lundi 24 mai 2010

LA DICTATURE DU DROIT D’AÎNESSE AU MALI

NB : Ce texte est un extrait (retouché) d’une intervention que j’ai faite le 10 février dernier lors d’une conférence retransmise en direct sur Radio Klédu. C’était à l’occasion de la rentrée littéraire au Mali. Et le thème était : ’’L’AFRIQUE ET LES NOUVELLES DICTATURES FAMILIALES ’’. J’ai trouvé l’intitulé inapproprié et l’ai reformulé ainsi : ’’ LA NOUVELLE AFRIQUE ET LA SURVIVANCE DES DICTATURES FAMILIALES’’. Par ailleurs, j’ai d’abord pris le soin de limiter mon intervention au Mali, n’ayant pas la prétention d’élaborer sur les complexes réalités du continent noir. Ensuite, je m’en suis tenu à deux aspects du problème dont l’un se réfère aux traditions ancestrales — le DROIT D’AÎNESSE — et l’autre à l’impératif du profit — l’ARGENT.

C’est un sujet brûlant qui m’a valu de VIVES RÉACTIONS de la part de certains intervenants dont la fameuse AMINATA DRAMANE TRAORÉ, réagissant au nom d’un TRADITIONALISME DOUTEUX… Elle a dû finalement S’ÉCLIPSER quand, pour couper court au débat, j’ai effleuré une PARTIE HONTEUSE DE L’HISTOIRE DU MALI. Le modérateur, le PROFESSEUR SINGARÉ, est allé jusqu’à M’INTERDIRE LA PAROLE au grand dam des jeunes auditeurs dont certains n’ont pas manqué de manifester leur mécontentement face à cette ATTITUDE DICTATORIALE qui, décidément, n’a pas fini de sévir dans notre société...


« Aux hommes bien nés, la valeur n’attend point le nombre des années ». Cette réalité a du mal à faire son chemin dans la société malienne, encore accrochée à une valeur sacrée du passé : le DROIT D’AÎNESSE. Une tradition qui va totalement à CONTRE-COURANT du NOUVEAU CRÉDO DÉMOCRATIQUE dont le pays se réclame officiellement. C’est l’un des GRANDS PARADOXES du Mali d’aujourd’hui !

Le DROIT D’AÎNESSE est une réalité ancestrale qui régissait la quasi-totalité des rapports familiaux et sociaux dans les COMMUNAUTÉS TRADITIONNELLES maliennes. Ce PRIVILÈGE DE L’ÂGE était aussi le socle sur lequel reposait le SYSTÈME POLITIQUE. D’où ce type de gouvernement qu’on appelle la GÉRONTOCRATIE (le pouvoir des vieux).
Aujourd’hui, notre société a subi de PROFONDES MUTATIONS au point que, même en abordant la question du DROIT D’AÎNESSE sous un ANGLE STRICTEMENT FAMILIAL, cette coutume s’accommode très mal avec l’environnement dans lequel nous évoluons. Ceci explique les CONTRADICTIONS INSOLUBLES, les DÉRIVES et les NÉVROSES qui entachent les rapports familiaux, fortement teintés d’animosité. Si bien que, pour arriver à un équilibre, il faut arriver à endiguer ce phénomène— devenu un FLÉAU SOCIAL— érigé en TABOU par une suspecte LOI DU SILENCE.

LA PERVERSION D’UNE VALEUR ANCESTRALE

La prévalence du droit d’aînesse trouvait sa JUSTIFICATION dans le mode d’acquisition de la CONNAISSANCE et de la SAGESSE de l’époque ancienne. L’aîné était légitimement présumé savoir plus que le cadet selon les MÉTHODES DE TRANSMISSION INITIATIQUE qui se faisait par groupe et par échelon d’âge. Plus l’individu montait en âge, plus il montait en grade. Au sein de la famille, les SECRETS DU PATRIARCHE étaient aussi confiés à l’aîné qui, à l’occasion, assurait avec lui la COGÉRANCE DU PATRIMOINE FAMILIAL. Ce privilège lui était accordé à la fois pour son âge et le PROFIL MORAL censé découler de sa position d’aîné. À la mort du patriarche, quand ce dernier n’avait pas de frère cadet, le fils aîné lui succédait naturellement aux commandes des affaires familiales. Il se savait alors GARANT de la bonne marche et de la COHÉSION de la famille, au nom d’un MANDAT relevant du SACRÉ.

Malgré tout, ce privilège d’aîné, comme tout privilège ou pouvoir, pouvait sombrer dans l’ABUS, conformément au constat posé par le philosophe des Lumières Montesquieu : « Tout homme qui a le pouvoir est tenté d’en abuser ». Et que pour contrer cette dérive, il faut que par la disposition des choses, le pouvoir puisse arrêter le pouvoir. C’est pourquoi, en cas de dérive, le droit d’aînesse pouvait se heurter au CONSEIL DE FAMILLE (ou des anciens du village) qui constituait un efficace CONTRE-POUVOIR.

Autre temps, autres mœurs ! La société a évolué et cette évolution amène avec elle d’autres réalités ! Le droit d’aînesse, dont la société ancienne s’accommodait fort bien, a été travesti et perverti au point d’être une CAUSE DE RUPTURE DES RELATIONS FAMILIALES. C’est assez paradoxal, ce privilège ancien est associé aujourd’hui à un autre type de comportement reposant sur l'INDIVIDUALISME DÉMOCRATIQUE OCCIDENTAL qui lui enlève toute légitimité, en le rendant plus INTOLÉRABLE et plus INJUSTE que jamais. Le sage et omniscient aîné est remplacé aujourd’hui par l'AÎNÉ JOUISSEUR, ÉCERVELÉ ET ÉGOCENTRIQUE.

Ce revirement de situation est dû en partie au fait que le droit d’aînesse ne repose plus forcément sur le degré de sagesse et de connaissance. Les CONFRÉRIES INITIATIQUES TRADITIONNELLES (déjà AFFAIBLIES par les dénigrements occasionnés par une islamisation massive du pays) ont cédé devant l’ÉCOLE COLONIALE. Si bien que le cadet peut s’avérer bien plus brillant que l’aîné tant au niveau de la connaissance que de la sagesse. Tout simplement parce que le cadet a eu plus de prédisposition pour cette NOUVELLE FORME D’ACQUISITION DE LA CONNAISSANCE ET DE LA SAGESSE.
Un autre paradoxe veut que l’ÉCOLE COLONIALE, si elle est menée à bon escient, loin de nous écarter de notre culture traditionnelle, peut nous conduire à une meilleure connaissance de cette tradition désormais recueillie dans des LIVRES SPÉCIALISÉS écrits par des chercheurs dans la langue du colon que seule une bonne éducation scolaire à l’école coloniale peut aider à déchiffrer…

Le cadet qui se forme par les LIVRES INITIATIQUES et les voyages d’études à travers le monde en sait nécessairement plus que l’aîné qui n’est allé loin nulle part, ni dans les études, ni dans le monde. Et qui associe à ces carences un goût immodéré pour le luxe et les PLAISIRS DE LA VIE MONDAINE. Il relève du NON-SENS qu’un tel aîné veuille se fonder sur le droit d’aînesse traditionnel sans être imprégné de cette culture traditionnelle et méprisant même cette culture qu’il juge moribonde. N’’étant pas contrecarré par un CONSEIL DE FAMILLE (qui n’existe presque plus, à cause du relâchement des liens familiaux), il devient un véritable TYRAN qui peut RUINER la famille entière.

Ce sont des SITUATIONS DICTATORIALES INTOLÉRABLES qu’on retrouve aussi bien en ville qu’en campagne. Aussi bien dans les familles étendues que nucléaires. Aussi bien dans les familles polygamiques que monogamiques. Au nom d’une valeur ancienne travestie, de DÉFAILLANTS FILS AÎNÉS empoisonnent l’existence de leurs cadets dont ils sont le plus souvent JALOUX et pour lesquels ils éprouvent une HAINE sans faille.

Rattrapé par la réalité, acculé et prisonnier de ses bas instincts, l’opiniâtre aîné pense alors exorciser ses lacunes et ses complexes avec cette FORMULE MAGIQUE : « Je suis ton aîné ! J’ai préséance sur toi en tout, quels que soient tes acquis moraux ou intellectuels! Ou tu te soumets, ou tu te démets !» Il ne lui vient point à l’esprit que si l’âge est censé conférer la sagesse, il en est de même pour l’instruction. Comme l’enseigne notre société. Cet aîné ne songe pas non plus que ce privilège dont il se réclame, au nom de la coutume, lui serait retiré dans la société traditionnelle, du fait de son inconduite. Il serait purement et simplement mis au ban de la société.


À suivre

Mountaga Fané Kantéka

mountaga40@hotmail.com




jeudi 13 mai 2010

MITRAILLÉ PAR L’ENSEIGNEMENT

Certains de mes lecteurs s’inquiètent de mon silence. À cause de la forte teneur politique de mes derniers articles ! D’autres spéculent déjà sur un POSTE POLITIQUE qui m’aurait été offert en échange de mon silence ! Je dois les rassurer tout de suite: IL N ‘EN EST RIEN. J’étais seulement enfermé quelque part dans… la PRISON DE L’ENSEIGNEMENT. Oui !

Il y a plusieurs moyens de neutraliser un homme : le contraindre physiquement, le supprimer, le corrompre, exercer sur lui du chantage, le menacer dans ses moyens de survie ou tout simplement l’accabler de travail. Après avoir échappé ou résisté aux cinq premiers moyens, j’ai finalement succombé au dernier : les CHAÎNES DU BOULOT. Oui, j’ai été purement et simplement MITRAILLÉ par … le feu de l’enseignement. Des TONNES DE COURS à donner, qui m’ont littéralement ZOMBIFIÉ. Et mis HORS D’ÉTAT DE NUIRE…

SURCHARGER POUR MIEUX CASTRER ?

Depuis quelques mois, j’avais décidé de donner des cours de communication et de journalisme dans un établissement privé de la capitale. En attendant de démarrer mes projets ! Au début, les choses se passaient assez paisiblement. Je n’avais que 4 heures de cours à donner par semaine à la classe de 2e année COMMUNICATION-JOURNALISME. Dans 2 matières : Sociologie des médias et IEC (Information, Éducation, Communication).

Mais voilà que brusquement je me retrouve avec la lourde charge de SAUVER L’ANNÉE SCOLAIRE de toute la filière Communication-Journalisme. Avec 8 COURS à donner à 3 CLASSES (1e, 2e et 3e années) dans 5 MATIÈRES (IEC, Sociologie des médias, Genres rédactionnels, Collecte et Traitement de l’information, Pratique radio). Avec à la clé 22 HEURES DE COURS PAR SEMAINE. Sans compter les longues heures consacrées à la CORRECTION DES DEVOIRS. En un mois et demi, j’ai dû combler le programme de tout un semestre ! Cela fait des jours sans répit et des semaines sans week-end et sans récréation. Un PROGRAMME INTENSIF propre à CASTRER un homme ! Et le détourner de certaines activités— comme l’écriture— jugées subversives.

Et, croyez-moi, le peu d’argent qu’on y gagne sert surtout à recoller les morceaux et à se soigner du SURMENAGE occasionné par le stress, l’insomnie et la débauche d’énergie! Sans tenir compte d’autres désagréments (d’ordre bureaucratique) qui donnent une tournure de TORTURE aux incidents…

UNE RICHE EXPÉRIENCE MALGRÉ TOUT

Dire que je n’ai bu que du CALICE dans cette expérience serait un odieux mensonge. J’y ai aussi gouté du MIEL dont mes papilles gustatives gardent encore le doux souvenir!

Mon premier motif de réjouissance est que je renoue avec une VIEILLE VOCATION qui a précédé en moi celle de l’écrivain et du journaliste. Une vieille vocation que j’ai toujours pratiquée de façon plus ou moins informelle, depuis le bas âge, et qui me vaut encore la gratitude de certains camarades de classe …

Mon second motif de joie est la satisfaction et le soulagement procurés aux étudiants qui payent très cher pour une formation qu’ils ne reçoivent pas toujours. Faute d’enseignants… Ma troisième raison de me réjouir réside dans l’EXPÉRIMENTATION d’une troublante réalité sociopolitique : la DÉPERDITION SCOLAIRE ENTRETENUE par des politicards de la IIIe République, pour en tirer des bénéfices politiques et sociaux— pour eux et pour leurs enfants appelés à leur succéder aux postes stratégiques. Leurs enfants qu’ils envoient à l’étranger pour avoir une formation que le Mali ne peut pas leur donner. C’est de cette manière qu’ils entretiennent ce que les sociologues appellent le SYSTÈME DE REPRODUCTION SOCIALE…

De tous les motifs de satisfaction, le meilleur réside dans ce constat : ce milieu pourrait être le CATALYSEUR d’une RÉVOLUTION SOCIALE au Mali. Si bien que, au moment où vous lisez ce papier, je me remets de mes fatigues, étendu sur mon balcon, au milieu de mes amis oiseaux, en pensant au MALI NOUVEAU — DÉBARRASSÉ DES PARASITES SOCIAUX…

MF KANTÉKA

mountaga40@hotmail.com