jeudi 22 août 2013

Lettre à IBK: Du vieux Mali au Mali nouveau



EUX ET NOUS - Par Diomansi Bomboté, journaliste (Mali)





 


Mon cher Ibrim,

Lorsqu’un peuple décide, le destin est obligé de suivre dit la sagesse populaire. Durant des semaines, tu as été à l’écoute de ce peuple qui a décidé de te confier son destin. Tu pourrais considérer cette consécration comme une offrande de l’histoire qui, de ton vivant déjà, t’offre une certaine forme d’acquittement au regard des péripéties électorales passées, émaillées de contestations, auxquelles tu as pris part. Accepte un petit clin d’œil en forme de coquetterie en rappel de vieux souvenirs humanistes et qui résume si bien la force d’obstination dont tu savoures l’aboutissement heureux : « Labor omnia vincit improbus » (Un travail opiniâtre vient à bout de tout). Une récompense qui n’est certes pas une fin en soi.
 
Un vieux Mali agonisant laisse entrevoir un nouveau Mali qui ne doit pas trop tarder à émerger du clair-obscur de l’aube qui enveloppe le pays depuis des lustres. Le temps est donc venu de rassembler toutes les forces qui aspirent véritablement à faire entrer le Mali dans une ère nouvelle. Te voilà au pied du mur, un mur hanté par des monstres glapissants aux mille facettes : la faim et la soif, la maladie et l’ignorance, les menaces qui pèsent sur la laïcité pourtant garantie par la constitution, l’absence de culture démocratique, de culture humaniste tout court que complètent l’arrogance de la justice de la force sur la force de la justice, le mépris de la compétence favorisant le gain facile, la vénalité vainqueur de la noblesse de l’effort, la volonté de puissance individuelle sur l’égalité entre les citoyens de toutes conditions.

C’est en prenant des initiatives inédites et courageuses, sans être tenaillé par la phobie de l’impopularité, que tu créeras les conditions minimales d’un Etat digne de ce nom, un Etat fort, adossé à des institutions fonctionnelles dépouillées de leur gangue d’anachronismes décadents. Pas un Etat mesquin, suffisant et terroriste dont les serviteurs seraient hautains, prétentieux et corrompus. Un Etat fort qui mette un terme au malaise anarchique unanimement dénoncé. Mais cet Etat doit aussi savoir se garder d’abus afin d’éviter que sa force, au lieu de rassurer, de sécuriser, n’incarne la crainte et l’oppression, en mettant notamment en péril les libertés fondamentales. De ce point de vue, il est essentiel que force et légitimité cherchent à s’équilibrer mutuellement.

Le Mali pourrait être guetté par le syndrome sénégalais. La victoire du Président Macky Sall est revendiquée avec plus ou moins d’intransigeance par une paternité plurielle. En effet, cette victoire a été obtenue par une imposante coalition de partis politiques tous s’estimant en droit de revendiquer une participation à l’exercice du pouvoir. Des convoitises, certaines véhémentes, ont failli compromettre le fonctionnement normal des institutions sénégalaises. Un tel risque, en principe, ne devrait pas exister au Mali à la suite du ralliement généralisé, à la limite de la décence, de fractions partisanes quasi-insignifiantes à ta cause.

Entre les deux tours, sur 28 candidats au départ, une vingtaine (moins de 10% des votes) t’a fait allégeance. Cet apport a peut-être contribué à amplifier ta victoire, mais en réalité dans une proportion si peu déterminante. Au-delà de ta personne, le peuple malien dans sa grande diversité ne voulait rien savoir d’autres que la rupture radicale avec un passé systématiquement et sans discernement voué aux gémonies, faisant fi de la débauche de projets mirobolants plus ou moins chimériques, même si certaines propositions pertinentes gagneraient à être reprises par la nouvelle équipe.

Si la sincérité de certains ex-candidats pourrait convaincre, il est évident que d’autres ralliés cherchent manifestement à s’abriter de l’épée de Damoclès qui pend au-dessus de leur tête à cause de la présomption de graves malversations dont ils sont soupçonnés ou tout simplement parce qu’ils aspirent à émarger au partage de l’exercice du pouvoir. A cet égard, tu as manifestement accepté une camisole de force dont tu aurais pu te passer, au nom de la morale politique ou au moins d’une certaine éthique qui te caractérise aux yeux de nombre de Maliens. Car plusieurs de ces transhumants qui pourraient s’avérer encombrants sont des obligés notoires d’un système de gestion du pouvoir avec lequel tu avais semblé prendre tes distances.

« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m'en charge » disait Voltaire. Oui, mais, où sont les « ennemis » ? Depuis l’accession du Mali à l’indépendance, c’est la culture du « parti unique » qui a prévalu dans le pays. Soit parce que le régime en place a tout mis en œuvre pour réprimer toute tentative d’opposition, soit, délibérément, les hommes politiques ayant majoritairement opté pour un consensus castrateur, ont laissé au chef en place le champ libre de jouer sur du velours.

Réduire considérablement la part envahissante de l’émotionnel dans la conduite des affaires publiques relève des travaux d’Hercule dans un pays aux allures de vase communicant. Hélas, le changement radical de comportement tant souhaité par tous est malheureusement interprété avec une grande liberté par les Maliens, chacun estimant ne pas être concerné et jugeant avoir tous les droits y compris ceux des autres, sans la moindre obligation. « L’enfer, disait Sartre, c’est les autres ». Le nouvel homme fort malien doit pourtant faire sienne cette réflexion d’un dirigeant sénégalais « Nul n’est doué de bonté s’il n’est capable de fermeté ».

Cet homme nouveau doit s’investir avec beaucoup de volontarisme et sans faiblesse dans la consolidation des équilibres des pouvoirs en donnant leurs lettres de noblesse au législatif et au judiciaire. Le renforcement des institutions de la République, voire leur réforme, doivent se fonder sur cet impératif catégorique ou alors les tentatives de changement seront vouées à l’échec car elles auront alors trahi les attentes majeures des Maliens. De la force de ces institutions dépendront prioritairement la lutte contre la corruption qui domine et gangrène le fonctionnement de la société malienne et l’instauration d’un véritable Etat de droit qui est au cœur de toutes les aspirations.

En fait, de là, découlent toutes les autres formes de malaise. Y compris les velléités irrédentistes d’une partie de nos frères touaregs. A la vérité, tous les Maliens sont des Touaregs ! Nous sommes tous des Touaregs. Les conditions d’existence difficiles, amplifiées ou non, dont se plaignent les populations du Nord, et pas seulement certains milieux touaregs, constituent le lot de toutes les régions du Mali, victimes d’une gabegie indécente des maigres ressources nationales.

Le chantier prioritaire consistera donc à prendre à bras-le-corps une véritable décentralisation pour venir à bout des frustrations qui font le lit de toutes les contestations ouvertes ou latentes du pouvoir central de Bamako. Juste une suggestion : si l’administration centrale consentait des avantages consistants aux fonctionnaires affectés dans les régions arides du Nord ceux-ci ne passeraient pas le plus clair de leur temps à inventer des subterfuges pour retourner dare-dare à Bamako. Il suffit de s’inspirer de modèles existants : le traitement de faveur accordé aux agents américains envoyés en Alaska où la neige sévit huit mois sur douze ou encore la pratique de l’indemnité d’ajustement liée au lieu d’affectation dans les institutions onusiennes.

Le chantier-Mali demandera la mobilisation de toutes les couches sociales. Car c’est un leurre de penser que le Mali se bâtira sans les Maliens. Nelson Mandela, à la suite de Mahatma Gandhi, ne disait-il pas : « Ce que vous faites pour nous sans nous, vous les faites contre nous ». Mais cette indispensable participation populaire pour donner le coup de fouet décisif à l’effort de renaissance et de reconstruction nationales, exigeant d’immenses sacrifices de tous, dépendra essentiellement de la sincérité dont les gouvernants feront preuve dans la gestion transparente des ressources nationales.

La plupart des nouveaux arrivants à Paris l’expérimentent à leurs dépens : toutes les richesses culturelles qu’ils n’auront pas visitées au cours de six mois passent généralement par pertes et profits, étouffées par d’autres urgences. Il en est de même de l’état de grâce d’un président nouvellement élu. Les décisions hardies ne doivent pas attendre au risque d’être noyées dans une routine inhibitrice. Le temps passe si vite ! Pour paraphraser le majordome d’Auguste Comte (fondateur de la philosophie positiviste) à son réveil, souffrez que je vous dise cher ami : « Débout Monsieur le Président ! Les grandes œuvres pour la reconstruction du Mali vous attendent » !
 
 Diomansi Bomboté, journaliste (Mali) Source: http://www.sudonline.sn/du-vieux-mali-au-mali-nouveau_a_15144.html
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dimanche 18 août 2013

Ibrahima Sène: Le sens de la promotion du Capitaine SANOGO au grade de Général



Controverses autour de la promotion du Capitaine SANOGO


La promotion du Capitaine SANOGO au grade de Général quatre étoiles, est la reconnaissance du rôle crucial qu'il a joué pour que le peuple malien puisse aujourd'hui, dignement, se réapproprier sa souveraineté pour l'exercer sur toute l'étendue du territoire de son pays. Son coup d’État, le 22 mars 2012, a mis un frein brutal au processus de déliquescence de l'Etat malien sous ATT, et au début de la dislocation de son armée en pleine déroute au Nord du pays depuis Octobre 2011, sous les attaques du MNLA, allié aux jihadistes venus de Lybie. 

Il a su courageusement tenir le pays debout face aux sanctions prises contre son pays par l'UEMOA qui a confisqué les avoirs extérieurs du Mali, puis à l'embargo décrété par la CEDEAO sur les armes commandées par l'Etat malien pour renforcer sa capacité de défense pour faire face aux jihadistes. Il a tenu bon face aux tentatives de la France de faire organiser, sous l'égide de la CEDEAO, une force régionale d'intervention pour chasser les putschistes du pouvoir, malgré les agissements et manifestations d’un puissant front « anti putschiste » appuyé par la CEDEAO, L’Union Africaine, et la France. 
C'est donc à ce soldat valeureux et patriotique, que le gouvernement de transition, au vu de la volonté du peuple malien démocratiquement exprimée par le plébiscite du camp politique des « pro putschistes », a rendu un hommage mérité et une reconnaissance profonde, en l'élevant au grade le plus élevé de l'armée malienne, de Général quatre étoiles! 

Quant aux médias qui lui renient sa comparaison avec De Gaulle sous prétexte qu’il n’ a jamais été au front contre les Jihadistes pour libérer le Nord de son pays envahi, il faudrait juste leur rappeler que lui, au moins, est resté a Bamako pour s’occuper de l’organisation de la résistance du peuple et de son armée, au péril de sa vie, contre les Jihadistes pour libérer le Nord de son pays envahi, alors que De Gaulle avait choisi l’exil à Londres, sous haute protection des Britanniques, pour se la couler douce , tout en appelant les Français à résister aux envahisseurs au péril de leurs vies. Si donc, malgré tout, vous, médias français, vous honorez De Gaulle, alors, pourquoi pas ce Caporal qui a eu une attitude militaire plus digne et une capacité de résistance plus appréciable. De Gaulle avait l’appui des grandes puissances occidentales, tandis que le Capitaine SANOGO, lui, devait les affronter d’abord, pour maintenir son peuple debout et se préparer, en même temps, à libérer son territoire occupé.

Les élections du 11 Août 2013 ont donc consacré deux dignes fils du Mali: IBK, porté à la Présidence de la République, et le Capitaine SANOGO, promu au rang de Général quatre étoiles. Tous les deux ont restitué au peuple malien toute sa dignité, et lui ont ouvert la porte de la restauration de l'intégrité de son territoire. Ils sont rentrés dans l'histoire du peuple malien et des peuples d'Afrique par la Grande Porte!


Que Dieu les bénisse et leur donne la force de préserver encore davantage le peuple malien, pour lui faire jouer un rôle moteur dans cette nouvelle ère de la lutte pour l'indépendance et l'unité des États et des peuples d'Afrique Francophone, qu'il a historiquement inaugurée ce 11 Août 2013, de la même manière qu'il avait inauguré la première ère de cette lutte en 1946, en abritant sur son sol, la création du Rassemblement Démocratique Africain (RDA).

Vive le Mali éternel!

Ibrahima Sène PIT /SENEGAL Fait à Dakar le 17 Août 2013

lundi 5 août 2013

Mali: Le cercle vicieux du pouvoir




Le Filon no 07 du 06 janvier 2013

Edito : Le cercle vicieux du pouvoir

Neuf petits mois ont suffi pour nous ôter définitivement nos illusions sur la possibilité d’un changement politique au Mali. Nous apprenons à nos dépens qu’il est révolu le temps où l’on pouvait espérer sur des Thomas Sankara et Jerry Rawlings dans une Afrique plus que jamais esclave de diktats étrangers. Et sevrée de la maturité politique de certains pays d’Amérique du Sud, notamment au Venezuela d’Hugo Chavez ou en Bolivie d’Evo Moralès, le Brésil de Lula Da Silva et Dilma Roussef qui ont montré l’exemple en installant au pouvoir des dirigeants incarnant le changement.

Acclamés et affichant au départ des idéaux rénovateurs, nos jeunes putschistes ont été vite rattrapés par la funeste réalité de la politique malienne qui, depuis 1960, n’est qu’une suite ininterrompue de reconductions des mêmes au pouvoir!

Cela se confirme par la nomination du septuagénaire Django Sissoko au poste de Premier ministre, succédant à Cheick Modibo Diarra,  lui-même gendre de l’ex- Président Moussa Traoré sous lequel Django Sissoko a servi aussi.
Si certains approuvent ce choix au nom de l’expérience, d’autres le voient comme une reconduction des politiques antérieures tant décriées ayant notamment servi de justifications au putsch du 22 mars 2012. « A quoi bon chasser ATT si c’est pour reconduire l’homme qui lui servait de cheville ouvrière? », s’interrogent-ils.
Pourquoi en effet parler de continuité quand on s’inscrit dans une logique de rupture?

Ce paradoxe est inhérent à la sociologie politique d’un Mali enferré dans un fixisme nourri par des légendes moyenâgeuses hostiles au progrès, réfractaire à tout vent nouveau. C’est le drame d’une société réactionnaire, mystifiée par une Tradition ancrée ayant une curieuse lecture de l’Histoire. Le pouvoir politique a du mal à s’évader de ce cercle vicieux.

Dans ce contexte de tribalisme politique, le coup d’Etat se réduit à un simple moyen d’accéder au cercle restreint des privilégiés. Et non un mode de transformation des mœurs politiques. Les grandes déclarations seront vite contredites dans la pratique, semant encore plus de désarroi au sein de ceux qui aspirent à une société plus ouverte et plus égalitaire.

Cela pose aussi l’épineux problème de la relève au Mali. La reconduction des mêmes au pouvoir ne trahit-elle pas l’incapacité de la jeune génération à se démarquer de ses devanciers et à revendiquer et obtenir son droit à la reconnaissance? La jeunesse malienne offre-t-elle des indices allant dans le sens d’une inversion du cours des choses? De par sa formation idéologique, est-elle capable de s’affranchir des mythes surannés et transcender le chimérique discours passéiste? Est-elle prête à remettre en cause les jalons préétablis? Sait-elle se passer du parrainage des caciques qui régentent la vie politique du pays depuis l’indépendance? Est-elle à l’abri de ces démons que sont l’arrivisme, le manque de vision et de projet collectif, le goût du lucre et du luxe, le culte de la personnalité, la paresse intellectuelle, la fausseté et la division?
Malheureusement, non! Et tant qu’il en sera ainsi, les vieux continueront à faire la pluie et le beau temps dans ce pays, avec la complicité de leurs jeunes protégés! Le Mali continuera à ressembler au chien cherchant à mordre sa queue!

Mountaga Fané Kantéka

vendredi 2 août 2013

Les enseignements du 1er tour de l'élection présidentielle au Mali


Il est plus qu'opportun d'attirer l'attention du monde entier sur les enseignements à tirer du 1er tour de l'élection présidentielle au Mali dont on a obtenu les résultats ce vendredi 2 août! Ces résultats interpellent à plus d'un titre:

1- Comment comprendre que le candidat du plus grand parti du pays (ADEMA) n'obtient même pas 10% des voix?

2- Comment comprendre que Modibo Sidibé, le plus constant dans les Gouvernements successifs de la IIIe République, depuis 20 ans, est presqu'à égalité avec le tout jeune candidat Alhousseini Guindo avec à peine plus de 4%?

3- Ayant même occupé le poste de Premier ministre pendant plusieurs années, le milliardaire Modibo Sidibé est au coude à coude avec le jeunot Alhousseini Guindo qui a dû peiner financièrement pour pouvoir s'inscrire comme candidat!

4- Et dire que s'il n'y avait pas eu le putsch du 22 mars 2012, le Président sortant ATT, à défaut de briguer un 3e mandat, prévoyait d'installer Modibo Sidibé au pouvoir!

5- Voyez-vous donc comment le coup d’État a finalement sauvé le Mali de l'intronisation d'un candidat fortement illégitime?

6- Quant à Soumaila Cissé, avec les milliards qu'il a dépensés et son passage au Gouvernement et à l'UEMOA, il n'a pu atteindre 20 %. Malgré des achats de vote!

7- Les vieux routiers Choguel Kokala Maiga, Mountaga Tall, Mamadou Sangaré dit Blaise, Soumana Sacko et Tiéblé Dramé n'ont engrangé que  0,19% à 2,29%, par ordre décroissant!

8- IBK lui-même, pour obtenir 39% , a dû coaliser avec 40 partis politiques, ainsi que des sympathisants, membres de Mouvements et d'associations...

9- Tout ceci pour dire finalement qu'il y a un sérieux problème avec l'ancrage de la démocratie au Mali et que jusque-là, ce pays est gouverné par des gens illégitimes, imposés au peuple par des mécanismes qui sont sujets à caution!

10- La bonne nouvelle est que la révolution est déjà en marche au Mali, avec le camouflet subi par les caciques et/ou milliardaires. Notamment la gifle infligée par le jeune et modeste Alhousseini Guindo à son richissime oncle Modibo Sidibé.

Nous invitons donc les donneurs de leçons à méditer sur ces 10 leçons, avant de se lancer dans des débats stériles sur la démocratie en Afrique! Ce ne sont pas avec des mots et des machinations qu'on implante la démocratie!

Mountaga Fané Kantéka