vendredi 16 octobre 2020

CLARIFICATION SUR LA DIFFÉRENCE ENTRE "DJALIYA" ET "NYAMAKALAYA"

 


Au Mali, la perte de mémoire par rapport à l'histoire va de pair avec la falsification ou la dénaturation du sens des mots. À force de jouer avec les mots pour favoriser l'implantation des légendes (à des fins idéologiques), on a fini par perdre leur sens véritable. Il en est ainsi du mot "nyamakala" qu'on a tendance à rendre synonyme de "djali" ou "djéli". Or "djaliya" ou "djéliya" (qualité de griot) fait partie de "nyamakalaya". En d'autres termes, si tous les griots sont des "nyamakalaw", tous les "nyamakalaw" ne sont pas des griots (djaliw ou djéliw). Il y a une hiérarchie entre les "nyamakalaw". Et leurs compétences sont en principe compartimentées, même si on peut parfois assister à des interpénétrations.

Le grand conteur, Djéli Baba Sissoko, a déjà fait la remarque dans une vidéo en insistant sur le fait qu'il se considère comme un " nyamakala" et non un "djéli". La différence qu'il en fait est que le "nyamakala" est un travailleur et un intercesseur tandis que le "djéli" est un quémandeur qui crie derrière le premier venu pour lui soutirer de l'argent. C'est un peu réducteur comme jugement. Et la définition que donne Djéli Baba Sissoko du mot " nyamakala" (« aidez-moi à coudre (les liens sociaux)») n'est pas exacte. Pas plus que celle donnée par l'ethnologue Youssouf Tata Cissé qui le définit comme « homme de talents» ou « artisan ».

En vérité, le mot "nyamakala" est composé de deux substantifs "nyama" et "kala" dont chacun a au moins deux significations. Pour faire court et pour ne pas dévoiler prématurément les résultats de mes recherches, "nyamakala" désigne plutôt l'homme de savoirs, y compris le savoir magique et religieux…

Je prie donc les griots du Mali de ne pas réduire la "nyamakalaya" (qualité de "nyamakala") à la "djaliya" (qualité de griot). J'en profite pour dire que, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, le "djali" ou "djéli", n'est pas un subalterne, mais un aristocrate à l'origine. Si certains Maliens comprenaient le sens des chansons (chantées dans leur langue natale), ils le comprendraient aisément.

Aujourd'hui, certains griots préfèrent se faire passer pour des subalternes pour gagner leur vie, puisque notre société a changé de mode de fonctionnement. J'en profite aussi pour dire que le sens péjoratif qu'on donne au concept « hommes de caste » ("nyamakalaw") chez nous est une monumentale aberration, puisque l'homme de caste est l'homme des privilèges par excellence. Je réserve les développements sur le sujet à l'ouvrage sur lequel je travaille depuis un certain temps.

 

MF Kantéka

mardi 6 octobre 2020

REBELOTE AU MALI: DE NOUVEAU SUR LES CHARBONS ARDENTS

 

On y est! Sitôt le gouvernement de transition mis en place, le M5-RFP déterre la hache de guerre, ce mardi 6 octobre. Nous plaçant dans la perspective d'une nouvelle situation insurrectionnelle dans le pays. Les détracteurs s'empressent déjà de crier à la « soif de pouvoir » de politiciens mis au rancart par les jeunes loups de la junte militaire qui se sont érigés en sauveurs du peuple malien. Comme s'ils oubliaient soudainement que sauver le Mali, c'est d'abord gagner la guerre contre le « terrorisme » qui fait rage au nord et au centre du pays.

Nous aimerions poser une simple question à ceux qui dénigrent les membres du M5-RFP. Qui d'entre eux aimerait voir quelqu'un venir confisquer le fruit de sa lutte? C'est de cela qu'il est question ici. En vertu de quoi Assimi Goïta et sa troupe, longtemps restés inactifs face au chaos qui minait le pays, s'érigent-ils soudainement en sauveurs et décideurs politiques?

 

ENTRE LE FAUX ET LE VRAI COUP D'ÉTAT

 

Nous n'allons pas nous répéter en rappelant derechef que l'opération du 18 août 2020, ayant conduit au départ du président IBK, n'était qu'une mise en scène. Dont le but principal était de sauver le potentat déchu et son problématique fils, Karim Keita. Sans quoi, ils allaient être lynchés par la foule en colère. Et les militaires n'auraient rien pu faire contre ce lynchage. Ils se sont débrouillés pour les faire sortir du pays, afin de les mettre définitivement à l'abri. Donc, plutôt que parler de « coup d'État», il faudrait surtout parler d'opération de sauvetage du président de la république et de sa famille.

En revanche, il y a bel et bien eu un coup d'État contre les membres du M5-RFP. Cela aussi, nous l'avons signalé dans un précédent article. Ils se sont faits dribbler par les petits opportunistes militaires, aux ordres de la France et autres puissances coloniales.

Ceux qui disent que la véritable question est l'intérêt du Mali, nous les prenons au mot. En vertu de quoi les militaires seraient plus habilités que ceux du M5-RFP à diriger le Mali? Comme les hommes ont la mémoire courte! Qui oserait nous dire que le régime militaire de Moussa Traoré, venu au pouvoir par un pustch contre le régime civil de Modibo Keita, a été salvateur pour le Mali? Et, plus proche de nous, a-t-on déjà oublié les deux mandats du général ATT qui avait troqué l'uniforme militaire contre le costume de président civil? Qui oserait nous dire que ce régime a été un exemple de réussite, en matière de lutte contre la corruption et l'insécurité, entre autres? A-t-on déjà oublié les cents militaires maliens, égorgés comme des moutons de Tabaski, à Aguel Hoc sous son règne? Nous avons encore, dans nos archives, les photos de cette horrible tragédie — qui ressemble à s'y méprendre à un rituel maçonnique. Et quid du passage houleux et éphémère de la troupe du jeune Amadou Haya Sanogo qui, en l'espace d'une petite année de règne, a sombré dans la mégalomanie et a fait couler un ruisseau de sang au sein des bérets rouges et de ses propres membres, bérets verts? Et quid de la corruption rampante qui règne au sein de l'armée malienne, au niveau des hauts gradés? Même en temps de guerre, ils n'hésitent pas à détourner les fonds de l'armée. Même l'armement est détourné de son but.

 

"DIOMAYA" OU LA SOUS-ESTIMATION

 

La guerre politique qui va bientôt être déclenchée au Mali entre les opportunistes militaires et les membres du M5-RFP, en plus des enjeux politiques, rentre dans le cadre de ceux que les griots mandingues appellent "diomaya kèlè". C'est à dire la lutte pour laver un affront. Un affront infligé par quelqu'un qui nous sous-estime. Les militaires ont eu le tort de croire que leurs armes peuvent leur permettre d'en imposer à des civils aux mains nues. Quels que soient ceux qui les manipulent, ils ne pourront pas faire face longtemps à une insurrection populaire.

Et, comme ils l'ont déjà fait, rien ne sert de chercher à monter d'autres civils contre ceux du M5-RFP. Parce que, dans un très court laps de temps, s'ils n'arrivent pas endiguer la menace « terroriste», ces civils vont se retourner contre eux. Ils seront pris dans leur propre piège. En attendant, certains s'empressent déjà d'exiger des nouveaux « maîtres » du pays qu'ils fassent leur déclaration de biens personnels, afin de prémunir le pays contre les inévitables détournements de fonds qui vont survenir pendant cette transition politique.

Comment Assimi Goïta — vraisemblablement un homme de paille — et sa troupe peuvent faire preuve d'autant d'indélicatesse et de manque de jugement en poussant l'outrecuidance jusqu'à revendiquer la paternité d'un enfant dont ils ne connaissent même pas la mère?

 

MF Kantéka