mardi 28 juillet 2020

LA SITUATION AU MALI VUE PAR UNE DIPLOMATE CANADIENNE


PAR LOUISE OUIMET
Après avoir travaillé au Mali sur 8 ans, durant la période 1989-1993 et 2001-2005 et continué à suivre l’évolution du pays, je ne peux que constater aujourd’hui à quel point la démocratie, qui était pourtant porteuse d’espoir lors des premières élections pluralistes en 1992, s’est avérée être un gouffre pour ce pays. A l’indépendance les Maliens et Maliennes ont calqué les institutions françaises au lieu de prendre le temps de développer des mécanismes de gouvernance et des institutions qui leur soient propres. Au début de la soi-disant démocratisation, encore une fois on copie l’Occident et on ouvre les vannes au multipartisme. Il arrive quoi? Plus de 200 partis politiques sont créés – en fait des agglomérations de personnes autour de personnalités appréciées, avec lesquelles on a des liens familiaux, amicaux, ou autres. Fort heureusement, il n’y a pas de partis ethniques au Mali.
Et il arrive quoi? L’exercice du pouvoir politique étant essentiellement un exercice d’enrichissement personnel pour sa famille et pour son clan, sachant que sa durée est d’un maximum de deux mandats de 5 ans et qu’il faut financer les campagnes électorales, la corruption n’a cessé de croître depuis l’arrivée du multipartisme. Ce multipartisme basé sur les relations a un autre effet pervers : l’absence de renouvellement à la tête des partis. Plusieurs se sont scindés, mais aucun n’a remis en cause son chef parce qu’il n’avait pas gagné l’élection. Alors on retrouve aujourd’hui en grande partie les mêmes joueurs politiques qu’il y a près de 30 ans. Il faut dire qu’ils étaient jeunes à l’époque, voués à un bel avenir. Lorsqu’il y a des partis politiques bien structurés, ils s’empressent de virer leur chef après un échec électoral. Pas au Mali, le parti est le chef.
Les élections se sont succédées entre 1992 et 2020 avec un taux de participation des électeurs famélique. On a souvent attribué ce manque de démocratie au manque d’éducation. Il faut regarder de plus près. C’est à Bamako, où la proportion d’alphabétisés est la plus importante où on vote le moins.
Le Président Keita (IBK) a bien été élu en 2013, suscitant beaucoup d’espoir auprès de la population aux prises avec la montée du terrorisme. Dès 2014 on me disait qu’il était mal entouré, s’appuyant trop sur sa famille. En 2017 on me disait que le pays était gouverné par une mafia et que le seul espoir était qu’IBK ne se représente pas en 2018. La liste de ce qu’on lui reprochait était longue, se résumant à ne pas se soucier du Mali, mais uniquement de ses voyages à l’étranger, à ne pas renforcer l’armée dont on avait pourtant grand besoin et qui avait été dépouillée par ses prédécesseurs, et surtout à dilapider les fonds dont le Mali avait tant besoin pour fournir un minimum de services aux citoyens et citoyennes. Il se représente et gagne les élections en 2018, élections à nouveau décriées comme étant frauduleuses. L’opposition proteste, puis tout rentre dans l’ordre. Rien ne change. Toujours pas de paix en vue, au contraire, un conflit qui s’est étendu au centre du pays ne s’essoufle pas. L’école est aux abonnés disparus comme cela a souvent été le cas depuis 1992. L’Accord de paix d’Alger de 2015 n’est ni appliqué, ni amélioré. Et la corruption continue joyeusement. Arrive le Dialogue National Inclusif fin 2019 qui donne une certaine légitimité au pouvoir en place, sans offrir de nouvelles pistes de sortie de crise. Arrive les élections législatives en mars et avril 2020. Reportées plusieurs fois en raison de l’insécurité et la nécessité de modifier le code électoral et de tenir compte d’un nouveau découpage électoral en respect de l’Accord d’Alger. Alors qu’aucune de ces conditions ne soit réunie et que la COVID-19 pointe son nez, branle-bas de combat, les élections législatives sont programmées. Nous connaissons tous ce qui est arrivé à la fin du deuxième tour, alors que la Cour constitutionnelle a invalidé et d’office changé les résultats pour faire élire 31 députés qui étaient recalés selon les urnes. L’un d’eux devient même Président de l’Assemblée nationale. En fait IBK s’est servi des mêmes tactiques qui avaient prévalues contre lui au deuxième tour de l’élection présidentielle de 2002. Bon prince, il avait calmé ses troupes et accepté qu’un bon nombre de ses votes soient annulés par la Cour Constitutionnelle. En 2020 c’est la revanche.
Où en sommes-nous en juillet 2020? Il arrive un moment où trop c’est trop comme on dit. L’invalidation des plusieurs résultats électoraux par la Cour Constitutionnelle a fait déborder le vase et le mouvement M5-RFP avec l’appui moral de l’iman Mahmoud Dicko est né pour demander au Président IBK de démissionner, d’abroger l’Assemblée nationale et la Cour Constitutionnelle et de repartir sur de nouvelles bases en mettant en place une transition. Ce mouvement avait donné la possibilité au Président IBK de rester en place, tout en déléguant son pouvoir à un Premier ministre choisi par l’ensemble des acteurs politiques. Le refus d’IBK à se soustraire du pouvoir et la mobilisation de la force anti-terroriste FORCAT qui a tiré à balles réelles contre des manifestants non armés, en tuant plusieurs, a conduit au durcissement des positions du M5-RFP. Il est aussi inexcusable que le mouvement de désobéissance civile se fasse dans la violence. Un changement s’impose et pacifiquement. Souhaitons que les multiples médiations finissent par fonctionner.
Que peut ou doit faire la communauté internationale? Il ne sert à rien de se cacher derrière une Constitution qui a été bafouée tellement de fois. D’abord admettre que nous nous sommes enrichis sur le dos du Mali, du moins le Canada avec l’exploitation aurifère et certainement la France, malgré le lourd tribut payé par ce pays avec la force Barkhane. Deuxièmement, dialoguer avec tous les acteurs politiques et les encourager à trouver une solution paisible. Mon pays, le Canada semble absent des discussions à Bamako, du moins les médias ne le rapportent pas, alors que le Mali est un pays important de coopération internationale depuis plus de 40 ans. Troisièmement, suspendre l’aide budgétaire à un régime aussi corrompu et revoir les mécanismes d’appui lorsqu’un gouvernement de transition sérieux sera mis en place.
Louise Ouimet
ancienne ambassadeure du Canada au Mali (2001-05)
et au Burkina Faso (1995-97)
21 juillet 2020.

vendredi 24 juillet 2020

MALI: POURQUOI MAINTENIR IBK ALORS QU'IL EST DANS L'INCAPACITÉ MANIFESTE D'EXERCER LE POUVOIR?



Ce n'est qu'un secret de polichinelle, le président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keita) est malade. Depuis belle lurette! Ses absences répétées pour soins médicaux en France ont alimenté plusieurs fois la chronique. Et la maladie dont il souffre est en soi une cause de vacance du pouvoir. En effet, une source bien informée nous dit qu'IBK souffre de maladie d'Alzheimer. Si bien qu'il ne se souvient pas toujours des événements de la veille. On nous rapporte qu'il lui arrive de discuter avec quelqu'un au téléphone et ne plus s'en rappeler, au point de lui dire le lendemain: « Ça fait longtemps qu'on n'a pas parlé.» On nous rapporte aussi qu'il a pratiquement perdu l'usage de la main droite, au point que certains décrets de nomination (qui relèvent de son attribution) ont été signés par son fils Karim Keita.

En vérité, ces faits sont connus de beaucoup de monde, y compris les parrains français qui se décarcassent pour le maintenir au pouvoir, comme le rapporte un article de "Monde Afrique" selon lequel les: « partenaires occidentaux ne manquent pas une occasion de dénoncer le caractère velléitaire du président Ibrahim Boubacar Keïta, qui « change d’avis plusieurs fois par jour », selon un officiel français.» (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/07/21/au-mali-l-avenir-incertain-du-president-ibrahim-boubacar-keita_6046830_3212.html?fbclid=IwAR3auEwFqjEDNh_McYladhsRARCtHkytirkilRNHePtkVUSBV9GzIyR36EI). C'est une façon à peine voilée de parler de l'absence de lucidité ou la sénilité qui prive le président malien de la faculté de gouverner.

En d'autres termes, l'une des revendications du mouvement de contestation M5-RFP est mal formulée. Il ne s'agit pas en réalité de forcer IBK à démissionner. Il s'agit plutôt de constater la vacance du pouvoir et d'en tirer toutes les conséquences. D'autant plus que la plupart des institutions du pays sont paralysées en ce moment, comme le déclarait l'ancien  Premier ministre Moussa Mara sur sa page Facebook:

« Présidence de la République contestée;
Gouvernement inexistant;
Assemblée Nationale inopérante;
Haute cour de justice non fonctionnelle;
Conseil économique et social sans mandat;
Cour constitutionnelle inexistante;
Haut conseil des collectivités sans mandat;
Cour suprême ébranlée;
Aucune des huit Institutions Constitutionnelles n’est intacte au Mali.
Et nous continuons à parler comme si tout est normal ?» 

Et moi, je vous demande: faut-il aller jusqu'à exiger du médecin traitant du président IBK de communiquer son dossier médical pour qu'il se décide à présenter sa démission?

MF Kantéka


mercredi 15 juillet 2020

TROIS ARTICLES PRÉMONITOIRES SUR LA FIN DU PRÉSIDENT MALIEN IBK


Comme ça avait été le cas avec ATT (Amadou Toumani Touré), j'avais prédit la fin de règne du président IBK (Ibrahim Boubacar Keita). Et ce, dès la désignation de son premier gouvernement. Voici trois articles que j'avais écrits et publiés sur mon blog, à l'époque:
PREMIER ARTICLE:
LUNDI 9 SEPTEMBRE 2013
Mali : Le GOUVERNEMENT DU SABORDAGE POLITIQUE

« Rarement sous la IIIe République malienne, un homme aura réussi à engranger un si enviable capital de sympathie politique. Mais, il a réussi à tout dilapider par ses maladresses… », disait-on d’IBK quand il était encore Premier Ministre sous Alpha O Konaré ! Et c’est au Palais présidentiel même que se faisaient ces confidences !
Comme pour donner raison à ses détracteurs, IBK vient encore de précipiter sa mort politique en installant un Gouvernement de compromis (pour ne pas dire de « compromission »)! Un acte vivement ressenti par une partie de l’opinion publique malienne, dont son électorat, comme une trahison, vu le discours d’espoir et de renouveau qu’IBK n’a cessé de tenir le long de sa campagne !
Des flots de protestations venant de partout
L’annonce de la liste du Gouvernement fut comme un coup de foudre qui vint calciner les espoirs fondés sur « l’homme-providence », surnommé Kankelen Tigui ou Celui-qui-n’a-qu’une-parole. La déception est à son comble ! Dans les « grins » (groupes de rencontre), les récriminations se font de plus en plus vives. Des flots de protestations se poursuivent très vite sur le site d’informations et de débats Maliweb qui, dans la nuit d’hier, recensait 175 réactions dont 99% étaient contre le choix de ce Gouvernement.
L’enthousiasme de la veille, suite à la nomination du jeune Premier Ministre Oumar Tatam Ly, s’est vite mué en cauchemar, donnant des envies de « suicide » ou de « vomir » à certains internautes se demandant ce qu’IBK a fait de sa promesse de mobiliser les ressources humaines de ce pays, sans partisannerie aucune!
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La trahison
Suite à son élection, IBK avait martelé « Il n’y aura pas de partage de gâteau ! » Un animateur radio de la place avait déjà pressenti dans ces propos du Président fraîchement élu un aveu ! En parlant de « gâteau », IBK sous-entendait qu’il y en avait un ! Et dès lors qu’il existe un gâteau, avait renchéri l’animateur, il sera forcément mangé par quelques uns ! Et c’est cela qui est arrivé avec la reconduction de certains caciques comme Soumeylou Boubèye Maïga (Défense), le Colonel Sada Samaké (Sécurité), Dr Bocary Téréta (Développement rural), des anciennes têtes du temps de l’ADEMA quand IBK était Premier Ministre.
Du coup, celui qui se présentait naguère comme un « homme de rassemblement et de renouveau », se révèle brusquement un classique homme de clan, affilié à de vieux roublards opiniâtrement accrochés au pouvoir depuis une vingtaine d’années ! Ainsi, d’un revers de la main, IBK balayait le grand espoir suscité par la nomination de son tout jeune Premier Ministre Oumar Tatam Ly !
A cela s’ajoute la reconduction de Moustapha Dicko (au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique), perçu comme étant l’auteur de la déliquescence du système éducatif malien ! Plus grave encore pour l’opinion publique, est la nomination de Zaraby Sidi Ould Mohamed (aux Affaires étrangères), connu pour être la tête pensante d’une rébellion touareg des années 90, ayant eu son lot de massacres !
On n’hésite donc pas à évoquer un pacte entre IBK et des parrains occidentaux, ayant favorisé son élection pour qu’il trahisse le Mali au profit du MNLA ! On lui impute aussi un élan affectif, du fait de l’appartenance de son épouse (une Maiga comme Boubèye) au Nord du pays !
Un amalgame incomestible
Les griefs sont aussi dirigés contre la reconduction de certains ministres de la Transition, dont des éléments de l’ex junte militaire comme le Général Moussa Sinko Coulibaly, maintenu à son poste de Ministre de l’administration territoriale. Un signe qu’IBK continue de se reposer sur le soutien des militaires !
Le maintien de Tiéman Hubert Coulibaly, qualifié de « tonneau vide » (pour de multiples raisons) et très proche du cacique Boubèye Maiga, est aussi très mal accueilli ! De même que le remplacement par Mohamed Aly Bathily au poste de Garde des Sceaux du Jeune Malick Coulibaly, très apprécié pour son travail et son intransigeance !
C’est la taille même du Gouvernement, 34 ministres et délégués au lieu de 20 à 25, qui révolte l’opinion, y voyant un artifice pour justement aboutir à ce « partage de gâteau » dont se défendait le Président-pirouette !
En résumé, on reproche à IBK, en lieu et place du changement promis, d’avoir remis le Mali dans l’impasse en conciliant les tares de 3 règnes successifs, à savoir celui d’Alpha Oumar Konaré, d’ATT et de la Transition. Les nouveaux venus n’étant là que pour faire diversion ! A commencer par son jeune Premier Ministre qui, en aucun cas, ne saurait en imposer à des caciques comme Boubèye Maiga!
Est-il besoin d’être prophète pour augurer de la fin politique d’IBK ? Est-il excessif de dire qu'il vient de se saborder politiquement, par son manque d'inspiration et d'imagination? Le temps nous le dira !
DEUXIÈME ARTICLE:
JEUDI 28 NOVEMBRE 2013
Mali: IBK, LE TRIBALISTE
« Si tes propos divergent de tes actes, on te jugera sur tes actes ! », dit le dicton. Appliqué au président malien Ibrahim Boubacar Keita dit IBK, cette vérité le révèle sous les traits d’un tribaliste qui se donne des accents de nationaliste rassembleur !
Nous ne reviendrons pas sur sa trahison, relativement aux espoirs de changement qu’il avait suscités chez les masses qui avaient fait un large consensus autour de lui ! Retenons simplement que le slogan « Le Mali d’abord ! » qu’il avait brandi, s’est vite mué en « Mon clan politique et ma famille d’abord ! », traduit par des nominations népotistes au Gouvernement qu’il a composé !
Ce penchant népotiste ou tribaliste est couronné par la volonté d’IBK d’imposer son fils comme député à l’Assemblée nationale.
Un Karim qui en rappelle un autre
Un Karim que son père-président voulait imposer à ses gouvernés ! C’était au Sénégal, avec la dynastie Wade. L’Histoire se répète, en un très court laps de temps ! Et cette fois-ci, dans l’État voisin du Mali, avec le clan Keita. Très curieux et très révélateur de la conception patrimoniale du pouvoir qui prévaut encore chez nous !
En effet, Karim Keita, fils d’IBK, sitôt son père élu, a cru bon d’en imposer aux Maliens, en se présentant comme candidat aux législatives, lui qui jusqu’alors ne se mêlait pas de politique ! Dans la Commune II où il est candidat, le « prince » Karim Keita distribue de l’argent comme des feuilles d’arbre aux électeurs! Il se livre aux achats de vote, au vu et au su de tous !
Certains vont jusqu’à dire que Karim Keita serait encore plus riche que son père milliardaire! On peut se demander comment Karim Keita, naguère étudiant au Canada, a fait pour amasser une telle fortune, en si peu de temps
Poussant l’arrogance et l’indécence au bout, le « prince » mandenka Karim Keita s’est associé à un homme d’affaire du nom d’Hadi Niangadou, surnommé Joe Walaki, propriétaire d’une agence immobilière, pour ne pas dire un spéculateur foncier.
Dans son édition du 15 novembre, l’hebdomadaire Le Sphinx faisait état d’une tentative de lynchage à leur endroit, de la part des habitants de la Commune. On espérait donc que son fils ne passerait pas. Ce qui aurait pour effet de calmer la grogne populaire. Cependant, Karim Keita et ses colistiers sont en tête au premier tour et compte l’emporter le 15 décembre prochain.
Une affaire qui sent le souffre
Tout se passe comme si IBK, au mépris des conseils qui lui ont été prodigués, nostalgique de la légende tissée autour du fictif ancêtre Son-Djata, se croit investi d’une royauté qui lui reviendrait de droit ! Surtout quand on sait que le Ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé de la promotion de l’investissement et de l’initiative privée, Moustapha Ben Barka, est aussi le neveu direct de sa femme !
En ce moment où l’épopée du Capitaine-Général Sanogo vire au vinaigre, à cause notamment du courroux créé au sein de son propre corps des Bérets verts qu’il a trahis par ses excès, cet écart d’IBK risque d’avoir des répercussions insoupçonnées…
Cette affaire ne présage rien de bon et IBK et son fils ne pourront que s'en mordre le doigt! Comme si IBK, par masochisme, utilisait son fils comme la flèche qui l'atteindra en plein cœur et le fera dégringoler de son trône ancestral! Mais, comme le dit un proverbe malien, "celui dont la fin est imminente, n'écoute pas de conseils!"
Dans le meilleur des cas, Karim Keita du Mali, finira comme son homonyme Karim Wade du Sénégal que son père voulait imposer aux Sénégalais!
TROISIÈME ARTICLE:
MARDI 1 AVRIL 2014
Mali : La FIN DU PRÉSIDENT IBK
Je commençais à désespérer de la clarté de ma vision, car je craignais que le mois fatidique de mars laisse IBK indemne au pouvoir. Or, ceux qui me suivent sur Twitter, savent que je ne lui donnais pas plus de six mois de survie politique. Et alors que je commençais à me résigner à la boucler pour de bon, voilà que le dernier vendredi de ce mois butoir, le coup vient du pays même de son ami Hollande. Plus mortel qu’un coup d’Etat ou un assassinat politique.
Mort de sa belle mort !
En l’an 2000, alors qu’il venait d’être démis de ses fonctions de premier ministre d’AOK et que tout le monde le donnait fini, j’ai écrit dans Le Malien un billet titré « Attention, IBK n’est pas mort », m’ayant valu quelques railleries... On connait la suite. Il a été élu deux fois président de la République. D’abord en 2002 où sa victoire lui a été volée par le déchu ATT. Ensuite, six mois plus tôt à la suite d’un quasi-plébiscite.
Et aujourd’hui, quatorze ans plus tard, alors qu’il est encore au sommet du pouvoir, j’affirme haut et fort : « IBK est mort ! Irrémédiable mort ! Mort de sa belle mort ! » Et dans les tous sens de ce mot, car il n’en survivra pas physiquement. Et je voyais cela sur sa face défaite le 26 mars dernier quand je le surpris à la télé, lors d’une cérémonie militaire. C’était un cadavre que je voyais. Il avait déjà le regard plongé dans l’Au-delà.
IBK est mort, car tous ses masques tombent avec cette affaire de mafiosi. L’ange de la mort s’est présenté à lui sous les traits du parrain corse Michel Tomi. Son vernis de musulman s’effrite radicalement, après celui de démocrate qu’il a fortement écorné avec son népotisme criard. Il ne pourra plus l’ouvrir dans ce pays où l’on connait son penchant pour la grande vie. Voulant être le champion de tout, IBK s’avère finalement en deçà de toutes les prétentions qu’il a affichées. Et personne n’est plus dupe.
Un homme sentant sa mort
J’avais écrit sur Twitter qu’IBK « agit comme quelqu’un qui sait qu’il va mourir au pouvoir ». C’était par rapport à son acharnement à mettre ses proches, dont son fils Karim et son gendre Isaac Sidibé, à des postes stratégiques, dans le but évident de conserver le pouvoir dans la famille, en cas de déboires personnels. Et c’est ce scénario qui se profile à l’horizon avec une éventuelle démission d’IBK ou une mort brutale…
Je ne m’étalerai pas davantage là-dessus. Je me contenterai de dire que quel que soit celui qui lui succédera au pouvoir, qu’il sache que c’est le même sort qui l’attend, s’il n’a pas l’étoffe d’un héros. Car, au stade où l’on en est, Il faudrait un héros pour sortir le Mali de l’ornière dans laquelle vingt ans de « démocratie » l’ont plongé.
Mountaga Fané Kantéka

vendredi 3 juillet 2020

QUAND LES NOIRS SE MANGENT ENTRE EUX


Voici un autre article qui ne va pas arranger mes affaires avec mes frères nègres. Cet article est la reprise d'un autre article que j'avais rédigé et qui a mystérieusement disparu dans mon ordinateur. Comme si les esprits, qui m'inspirent, m'envoyaient le signal de tempérer mes propos, à l'endroit d'une communauté très frileuse face à certaines vérités.
Pourtant, vu l'actualité effervescente relative à la lutte d'émancipation des Noirs dans le monde entier, le besoin s'est fait encore pressant pour moi de remettre cette question cruciale sur le tapis. Quitte à modérer, voire à émasculer, mes propos. À défaut de pouvoir recourir au dérivatif de l'humour pour édulcorer l'amertume d'une terrible réalité qui s'inscrit comme la seule véritable « malédiction » qui entache l'histoire de l'homme noir: la rivalité chronique. La rivalité fratricide! La désunion sacrée! Une terrible réalité qui remonte jusqu'à la mythologie égyptienne avec le combat entre Osiris et Seth. Une irréfragable rivalité qui est le contrecoup de l'extraordinaire puissance noire sans laquelle le monde n'existerait tout simplement pas. Une implacable rivalité sans laquelle les Noirs continueraient encore à être les maîtres du monde. Une incurable rivalité qui est la source de l'affaiblissement de l'Afrique par l'esclavage d'hier et celui d'aujourd'hui. Une déplorable rivalité, plus forte que les fusils et les canons des colons, qui est la véritable raison pour laquelle les Européens ont pu s'imposer en Afrique. Les archives sont encore là pour l'attester. Plus que les archives, la réalité quotidienne est là pour l'attester. Ai-je seulement besoin d'en rajouter, en évoquant tous ces assassinats politiques contemporains dont les bras n'étaient autres que nègres?
J'ai perçu récemment dans un certain milieu activiste africain la tentative visant à amoindrir le mouvement "Black lives matter" (les vies noires comptent), en essayant de l'opposer au "Black power" (le pouvoir noir) qu'ils associent au retour en Afrique. Derrière cet argument, en apparence motivé par le radicalisme, on perçoit une question d'ego. D'intérêts personnels. On y perçoit la réaction épidermique de leaders plus ou moins charismatiques qui aspirent au messianisme et éprouvent la crainte de se voir supplanter par un mouvement qui prend de l'ampleur dans le monde entier. Un mouvement bien plus grand qu'eux et leurs mesquines supputations. Sinon "Black lives matter" et "Black power" s'inscrivent dans le même combat. Ce sont deux étapes du même combat. Le mouvement "Black lives matter" s'inscrit dans l'immédiateté de la lutte pour la survie dans des sociétés impitoyables, régies par le racisme systémique et le massacre systématique des Noirs. Il ne s'aurait donc s'interpréter comme une forme de mendicité auprès des Blancs, visant à récolter des miettes de pain, mais plutôt comme une exigence consistant à leur dire: « Ça suffit! Vos vies ne comptent pas plus que les nôtres! Faites-nous de l'air, sinon on va tout saccager et tout brûler.» Ça s'inscrit donc dans la volonté d'infléchir le rapport de forces, afin d'aboutir à l'équilibre sans lequel la vie en commun serait impossible. C'est une question de vie ou de mort. C'est tout sauf une question théorique.
Quant au mouvement "Black power", il s'inscrit dans le moyen et le long terme pour aboutir à la jonction entre l'Afrique et sa diaspora dans un climat harmonieux. Et ce n'est pas une mince affaire. Parce qu'en dehors de la rhétorique et des professions de foi, il faut travailler très fort pour que l'amalgame prenne entre les frères séparés par la tragédie esclavagiste et les rancoeurs inextinguibles. L'Afrique n'arrive même pas à accepter encore tous ses enfants nés sur son sol, comme en témoignent les exodes massifs qui défraient la chronique, avec tous ces bateaux de migrants africains lancés sur les mers houleuses, au péril de leur vie, pour se diriger vers un esclavage consentant dans les « eldorado» de l'Occident. Sans compter l'exode non médiatisé des cadres et des cerveaux du continent noir vers ce même Occident, parce qu'ils n'arrivent pas à vivre décemment dans des sociétés africaines gangrénées par la corruption et le clientélisme. Sans compter encore le précédent posé par la guerre civile au Libéria, entre les transplantés afro-américains et les autochtones. Et les mentalités esclavagistes qui persistent chez certains Africains, obsédés par un vigoureux désir d'anoblissement au détriment de leurs propres congénères. Un réflexe motivé soit par l'obsession de maintenir une réalité féodale, soit par le traumatisme historique enduré par leurs ancêtres esclavagisés sur le sol africain.
Bref, beaucoup d'éléments à prendre en compte. Des sujets brûlants qu'évitent soigneusement tous ces activistes nègres qui pullulent sur la toile, jouant aux rock-stars. En se livrant au folklore.
La vérité est que la plupart de ces activistes « panafricanistes » pèchent par leur manque de sincérité et de loyauté. Leur activisme en question n'est lui-même qu'un avatar de cette rivalité fratricide évoquée précédemment. Car leur combat n'est pas le fruit d'une conviction profonde, mais le résultat d'une tentative de récupérer les réflexions d'autres congénères, en tentant de les occulter. C'est devenu un phénomène de mode et tout un fonds de commerce de s'approprier ce combat qui génère autant la notoriété que l'argent. Oui, il y est beaucoup question d'argent. Avec toutes ces histoires de financements occultes. C'est pourquoi certains de ces supposés panafricanistes sont prêts à tout pour rester sous les lumières et le plus près des micros pour débiter leurs slogans racoleurs. C'est devenu leur raison de vivre. Certains ne se font pas prier pour profaner les travaux de ceux qui ont consacré leur vie à creuser dans les mines d'or et les fosses septiques de l'histoire africaine, afin d'en sortir avec des pistes de solution pour une renaissance envisageable. Aussi, il n'est pas surprenant d'entendre dans la bouche de certains de ces leaders «panafricanistes» des propos piqués dans l'ouvrage d'un congénère, en les faisant passer pour «un proverbe africain», plutôt que de citer l'auteur de la réflexion. Pourquoi cela? Tout simplement parce ça leur brûle les lèvres de citer l'auteur de la réflexion, voyant en lui un rival qui risque de leur porter ombrage. S'ils sont aussi « panafricanistes» qu'ils le prétendent, qu'est-ce que ça leur coûte de citer un autre panafricaniste qui est leur source d'inspiration? Ils citent des grands noms de la littérature africaine, sans citer la source intermédiaire qui leur a permis d'accéder à ces oeuvres qu'ils n'ont peut-être jamais lues en entier ou ne les ont pas lues tout court. Cela s'appelle du plagiat. Plus qu'un « assassinat moral » (comme c'est le cas avec la diffamation, d'un point de vue criminologique, selon A. Bonnefoy), c'est un acte de sorcellerie, consistant à se revêtir de la peau de sa victime, en lui dérobant sa parole (qui est un attribut magique). Pire que cela, c'est du cannibalisme. Ils se construisent une identité avec les travaux de leurs congénères, qu'ils veulent voir morts, en se faisant passer pour des initiateurs qu'ils sont loin d'être.
D'autres vont jusqu'à se fabriquer des CV imaginaires pour s'attribuer une sorte d'autorité. Il y a même des maisons d'édition africaines qui participent à cette foire d'empoigne, en constituant un réseau de contrefaçons littéraires, consistant à dérober les travaux de chercheurs africains pour les donner à leurs protégés. Plein d'histoires là-dessus à faire vomir. Le désir de grandeur et la propension au messianisme sont si puissants chez certains Africains qu'ils sont prêts à faire couler des rivières de sang pour satisfaire ces pulsions mégalomaniaques. Au lieu de se sacrifier sur la croix, pour le salut de tous, comme l'aurait fait Jésus selon la littérature chrétienne.
Il y a aussi ceux qui préparent le terrain à de futures guerres de religions, en se faisant les champions de l'animisme ancestral africain qu'ils veulent opposer aux religions abrahamiques. Tout cela encore sur la base du plagiat d'oeuvres qui ont amorcé la question mais ne l'ont pas encore épuisée. Parce qu'ils sont trop pressés de se faire une réputation et de l'argent, ils se jettent sur les travaux des chercheurs pour s'en approprier. Sans en attendre les suites. Et dans cette frénésie, les caricatures sont les bienvenues. Ils ont tôt fait de ramener l'Arabe sous les traits du leucoderme musulman, opposé au Nègre animiste. Sans se douter que l'Arabe est à l'origine un Nègre, que l'Arabie fait partie intégrante de l'Afrique, que des Ancêtres dont ils se réclament (sans les connaitre) sont des Arabes. Qu'Allah lui-même est à l'origine un nom d'idole (animiste) datant du temps de la jahiliya.
S'ils avaient lu Cheikh Anta Diop, comme ils le prétendent, ils auraient su au moins que l'islam est dérivé du sabéisme dont la négrité ne fait pas de doute. Et si leur culture historique était aussi solide qu'ils le prétendent, ils sauraient aussi que le point de départ du christianisme est cette même Égypte dont ils se réclament. Tout comme le judaïsme. Dois-je ajouter qu'Israël est lui aussi une terre africaine?
Pour en venir à l'animisme ancestral, et pour m'en limiter au cas préoccupant de mes compatriotes maliens, qui leur a dit que le nom d'Allah ne figure pas dans les confréries initiatiques du Mali? Que savent-ils de l'origine du kòmò? Que savent-ils de l'identité du roi manding qui a ramené avec lui le concept de la Mecque? Que savent-ils de l'origine de Krina kònò ou l'oiseau sacré de Krina. J'ai déjà fait mon mea-culpa à ce propos en guise d'avertissement (voir mon article "Les nouveaux prophètes nègres face au piège du plagiat":https://www.facebook.com/MFKantekaPublicPage/posts/2279415808943727?__tn__=K-R). Mais, semble-t-il, ils sont réfractaires aux avertissements. Et si jamais ils persistent dans leurs pratiques affabulatoires, ils seront les dindons de leurs propres farces. La quête identitaire s'accommode mal avec le racisme. Je l'ai découvert à mes dépens. Il n'y a rien de pire que l'ignorance savante. L'ignorant qui se croit savant. Ça aussi, je l'ai écrit quelque part...
PS: Je ne crois pas avoir réussi à dire exactement ce que je voulais dire, mais je pense avoir réussi à exorciser en partie la douleur qui me dévore à cause de ces pratiques dégradantes.

MF Kantéka