vendredi 28 août 2020

MALI: LA RAISON D'ÉTAT CONTRE L'ÉTAT DE DROIT


Nous avons récemment entendu des débats dans lesquels on disait que, malgré le déroulement paisible de l'action concertée pour faire démissionner le président malien IBK, elle n'en demeure pas moins un coup d'État (qu'on estime condamnable). Pour cela, les débatteurs, dont des orateurs hors-pairs et des spécialistes du retournement de veste, avançaient des arguments juridiques, invoquant la Constitution et autres arguments techniques. Comme s'ils se voulaient plus légalistes que tous les autres juristes du Mali qui ont vu dans cette opération une façon de préserver l'intérêt supérieur du Mali, en le débarrassant d'un homme qui mettait sa survie en cause.
C'est pourquoi nous avons pensé à leur rappeler une règle qui transcende la Constitution. C'est la raison d'État! Et voici une des définitions qu'on donne de ce concept:
« La raison d'État est un principe d'action politique selon lequel l'intérêt ou la sauvegarde de l'État prime toutes les autres considérations, notamment les normes de l'organisation sociale, y compris celles de la morale et du droit. Ainsi, la raison d'État est invoquée par les gouvernants pour justifier une action illégale ou inconstitutionnelle au nom de l'intérêt public. Elle s'oppose aux notions de droit et d'État de droit.» (source: La Toupie)
Sur la base de la même définition, on peut aussi concevoir que cette raison d'État soit invoquée par une partie de la population, voire des militaires, pour écarter du pouvoir un danger potentiel pour le pays. Dans tous les cas, la Constitution ne saurait être une fin en soi (elle est même très souvent violée par ceux qui s'en servent pour accéder au pouvoir et s'y maintenir). La fin en soi est la survie de l'État.
On peut se servir des arguments de droit pour dire ce qu'on veut bien dire. N'empêche que la France elle-même, dont on singe les pratiques politiques, a donné sa bénédiction à ce changement de régime. Le ministre français Jean Yves Le Drian affirmait sur RTL que le président Macron a tenté en vain d'avertir IBK sur les dangers des pratiques consistant à truquer les élections. Et qu'en définitive, même si « il y a eu un coup d'État, il y a eu aussi la démission d'IBK.» Et que la France se met aux côtés du peuple malien.
Donc, insister là-dessus, comme le font les débatteurs-avocats du diable, c'est vouloir être plus royalistes que le roi. Y compris IBK lui-même qui affirme ne jamais vouloir retourner au pouvoir, même pour une seconde. Pas même pour tout l'or du monde! Alors, c'est quoi leur problème?

MF Kantéka

samedi 22 août 2020

MALI: RÉFLEXION SUR UN AUTRE MODÈLE DE GOUVERNANCE DÉMOCRATIQUE


« Le temps des sauveurs suprêmes est révolu! Il n'y a pas de sauveur suprême! Malheur au sauveur suprême!», aimait clamer l'ancien président Alpha Oumar Konaré, pour exorciser les bruits de bottes qui résonnaient à ses oreilles dans les couloirs de Koulouba, annonciateurs d'un hypothétique coup d'État contre son régime vacillant.

Nous n'allons pas aller jusqu'à reproduire la baveuse rhétorique d'un homme d'État en proie à la frayeur. Cependant, nous convenons que le temps des hommes-providence n'est plus. À supposer que ce temps ait un jour existé. En moins d'une décennie, de 2012 à 2020, le Mali a connu quatre chefs d'État: Amadou Toumani Touré, Amadou Haya Sanogo, Dioncounda Traoré, Ibrahim Boubacar Keita. Aucun de ces quatre chefs d'État ne connut un sort heureux. Et celui qui viendra après IBK subira certainement le même sort, les mêmes facteurs conduisant aux mêmes conséquences. Puisque ce n'est pas uniquement une question de personne, mais de pratiques politiques.

C'est donc le temps de s'arrêter un peu et de réfléchir davantage à un autre mode de gouvernance qui se démarque de ce copier/coller de la démocratie occidentale avec des schémas qui n'ont été que cause de désastres dans notre pays. Comme le dit un adage malien: « Kalan koun yé ko don yé ». Ce qui veut dire que le but des études est l'acquisition de la connaissance. Nous avons beaucoup de gens instruits dans la classe politique malienne et en dehors, s'exprimant bien dans diverses langues ou faisant preuve d'une grande expertise en matière de droit, de science politique ou d'autres disciplines. Pourtant, tous demeurent servilement accrochés au système de gouvernance de l'ancienne puissance coloniale qui a encore le contrôle total sur notre politique interne. Sachant fort bien que ce qui marche en France ne marchera pas forcément chez nous.

Pourquoi ne pas profitez de l'engouement créé autour de la répudiation du président IBK pour amorcer un virage décisif qui concrétisera l'avènement du « Mali Nouveau » que tout ce beau monde semble appeler de son voeu? Les leaders du M5-RFP n'ont-ils pas dit que l'un des buts de leur combat est d'en faire un exemple pour toute l'Afrique? Peut-on espérer être un exemple quand notre action consiste seulement à faire tomber un régime pour le remplacer par un autre qui va reconduire le même schéma de gouvernance? N'est-il pas possible d'opter pour une autre forme de gouvernance qui correspond au type de société dans laquelle nous vivons?

Oui, c'est possible et même assez simple d'opter pour une autre façon de gouverner le pays. Pourvu qu'on y mette de la volonté et autant d'ardeur que celle déployée pour chasser un président du pouvoir. Et la transition politique, qui se profile à l'horizon, devrait servir à élaborer une nouvelle constitution qui s'inspirerait des propositions auxquelles nous avons pensé et qui offre une autre alternative de gouvernance qui se démarque de la partitocratie qui prévaut en ce moment au Mali, comme dans bon nombre de pays africains. Et nous aimerons en discuter avec les autorités qui seront mises en place pour la transition politique. L'appel est lancé!

MF Kantéka

mercredi 19 août 2020

DÉPART DU PRÉSIDENT MALIEN IBK: COUP D'ÉTAT OU MISE EN SCÈNE?


Tuons tout de suite le suspense en disant que la question n'est que pure figure de rhétorique. Car, en l'occurrence, il n'y a point de coup d'État. Certes, l'arrestation du président malien Ibrahim Boubacar Keita, le mardi 18 août 2020, avec tambour et trompettes, avait toutes les allures d'un coup d'État aux yeux d'observateurs non avertis. Mais, en s'y attardant un tant soit peu, on se rend compte que c'était une solution bien concertée pour décanter une situation intenable et contenter tout le monde. Y compris le principal intéressé IBK, empêtré dans un piège politique dont il voulait se soustraire, en sauvant la face et les meubles. Comme on peut le constater dans son discours de démission dans lequel il disait: « Si aujourd'hui il a plu à certains éléments des nos forces armées de conclure que cela devait se terminer par leur intervention, ai-je réellement le choix ? Je ne peux que m'y soumettre, car je ne souhaite qu'aucun sang soit versé pour mon maintien aux affaires.» Autrement dit, comme l'armée s'y est mêlée, je n'ai d'autre choix que de partir, en évitant un autre bain de sang.
Bien avant ce discours de circonstance du président déchu, certains internautes maliens affirmaient que ce « coup d'État » a été orchestré par IBK lui-même, pour ne pas perdre la face devant la CÉDÉAO (Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest). Ce n'est pas entièrement faux. Cependant, l'idée vient de plus haut qu'IBK. Nous ne doutons pas qu'elle vient de la France. On pouvait déjà la pressentir dans un précédent article ("POURQUOI MAINTENIR IBK ALORS QU'IL EST DANS L'INCAPACITÉ MANIFESTE D'EXERCER LE POUVOIR?" ) dans lequel nous faisions référence à un article de "Monde Afrique" (" AU MALI, L'AVENIR INCERTAIN DU PRÉSIDENT IBRAHIM BOUBACAR KEITA") faisant état de la défiance des « partenaires occidentaux» vis à vis du président sortant, à cause de sa versatilité. Mieux que cela, l'ancien ambassadeur de France au Mali, Nicolas Normand, dans une entrevue accordée à "Mali Actu", en date du 7 août 2020, affirmait sans ambages qu'on est « à la croisée des chemins » et que « si la situation se dégradait, peut être que des militaires essaieraient d’assurer une certaine continuité de l’État devant le chaos qui s’instaurerait.» Le diplomate français ne pouvait être plus explicite. Et, surtout, il parlait en connaissance de cause.

En un mot, compte tenu de la crispation de la situation, ce « coup d'État », qui n'en est pas vraiment un, faisait partie des options pour sortir de la crise. Il est bienvenu et a été concocté pour aboutir à une sorte de catharsis sociale. Des militaires improvisés en acteurs de cinéma qui jouent leur rôle à la perfection, en tirant des coups de feu à Kati (faisant penser à une mutinerie), puis se mettant à défiler dans la ville, au milieu de manifestants avec lesquels ils sympathisaient, en échangeant sourires, tapes et poing levés. Avant d'aller cueillir IBK et son Premier ministre Boubou Cissé qui les attendaient sagement à la résidence présidentielle. Puis les emportant au camp militaire de Kati, sans grabuge, dans une ambiance plutôt bon enfant. Rien qu'à voir les photos des protagonistes à leur arrivée à Kati, on se rend compte qu'il n'y avait pas péril en la demeure. Et pour clore ce scénario, merveilleusement ficelé, le discours émouvant d'un IBK qui fait peine à voir, compte tenu de sa vieillesse et de sa faiblesse. De quoi faire taire, pendant un temps, toute rancoeur qu'on pouvait nourrir à son égard. Et susciter la pitié ou la compassion dans les coeurs les plus endurcis!

Il n'y a pas à dire, ceux qui ont élaboré ce scénario de putsch ont fait preuve d'un génie à saluer. Parce qu'au delà de la résolution de la crise politique, ils ont réussi à réconcilier un peuple avec son armée, en perte de vitesse face aux terroristes qui écument le septentrion et le centre du pays, en y semant dégâts et désolation. L'armée malienne, tous corps confondus, est peut-être la grande gagnante de cette opération de charme. En ralliant le combat du M5-RFP, elle redore son blason en apportant l'accalmie et l'espoir dans les coeurs. Et le nom de Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP) que s'est donné la junte militaire n'est pas usurpé, car elle s'est mise du bon côté de l'histoire en reprenant dans son discours la liste des calamités qui accablent le Mali en ces temps de turbulences.

Et si jamais vous doutez de la réalité de cette mise en scène, reportez-vous au coup d'État, qui était un vrai, perpétré contre ATT (Amadou Toumani Touré) en 2012. Ce n'étaient point des coups de sommation pour distraire le public, c'étaient des coups de canon qui ont été tirés sur le palais présidentiel, fracassant des blocs de béton, obligeant le locataire de Koulouba à fuir sur le dos de son garde de corps, en dégringolant de la colline du pouvoir. C'étaient des barrières militaires qui étaient parsemées un peu partout aux alentours de l'ORTM (Office de Radio-Télévision du Mali). C'étaient des gens qui fuyaient en traversant le Pont des Martyrs. C'étaient toutes les radios de la capitale qui ne pouvaient plus retransmettre. Et la télévision nationale sous silence radio jusqu'à une heure très tardive de la nuit. C'étaient des militaires ivres, torses nus, qui, dans la chaleur de la nuit, tiraient en l'air et projetaient d'aller prendre des hommes politiques (dont Soumaïla Cissé) et de venir les traîner sur le goudron…

Si vous en doutez encore, sachez que quand il y a coup d'État, il n'y a pas besoin de démission du président déchu. Dans le cas d'ATT, la lettre de démission a été exigée par la Cédéao, bien longtemps après le putsch. Rien que pour sauver la face. Et exorciser les démons du pronunciamiento qui guettent les présidents illégitimes d'Afrique.

Toujours est-il que le départ d'IBK est la réalisation d'un rêve prémonitoire que j'avais fait en 2013, avant son investiture, comme je le rapportai dans un précédent article: "ANALYSES ET VOYANCE POLITIQUES (2e Partie): LA FAILLITE D'IBK". Pour finir, je fais un petit clin d'oeil complice, pouce levé, au président français Emmanuel Macron, sans doute le dénommé "Manuel" de mon rêve prémonitoire qui aurait neutralisé IBK, habillé de blanc, en l'emportant dans une voiture blanche. Mystères de la nature!
MF Kantéka

mardi 11 août 2020

MANIFESTATIONS AU MALI: LE DOUBLE LANGAGE DE MAHMOUD DICKO


Parmi les revendications du mouvement de protestation M5-RFP, la seule qui n'arrive pas vraiment à faire le consensus est la démission du président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keita). D'abord pour ses partisans qui assurent l'avoir élu démocratiquement. Mais aussi au sein du mouvement M5-RFP dont l'autorité morale est l'iman Mahmoud Dicko.

En effet, d'après nos observations, plusieurs sources font état de la volonté de l'iman d'épargner IBK. Le hic est qu'il ne le dit pas ouvertement. On perçoit le problème à travers d'autres sources. D'abord, au niveau de son porte-parole Kaou Djim qui donne parfois l'impression d'être une girouette, au point que certains l'ont accusé un moment de traîtrise.
On se souvient d'ailleurs d'un débat dans lequel Cheick Oumar Sissoko disait que Kaou Djim parle au nom de la CMAS, et pas au nom du M5-RFP, et disait même que la CMAS pouvait se retirer de leur mouvement si elle ne s'alignait pas à leur niveau.

Ensuite au niveau d'autres proches de l'iman qui, excédés, lui ont reproché de ne pas dire clairement qu'il exige le départ d'IBK. La confirmation de cette réalité nous a été rapportée dans une entrevue accordée par le très influent prédicateur Chérif Ousmane Madane Haïdara le 10 aout 2020, à la veille de la dernière sortie du M5-RFP. La veille, l'iman Dicko, dans une communication, avait lancé un appel au prédicateur Haïdara et à ses disciples. Cependant, Haïdara affirme que Dicko s'est entretenu avec lui au téléphone, mais ne lui a jamais parlé de cela et qu'il ne peut pas s'inviter tout seul, tout en reprochant au régime d'IBK certains de ses déboires. Il a même envoyé un avertissement, en rappelant que « Bamako ne pourrait pas contenir ses hommes.» Une façon de dire que quand il va entrer dans la danse, IBK n'aura plus d'autre choix que de partir.

La question qui préoccupe ici est de savoir ce que veut au juste l'iman Dicko. Est-il seulement préoccupé par le départ du Premier ministre Boubou Cissé, afin de le remplacer par un autre, choisi au sein du M5-RFP, doté de pleins pouvoirs? Poser la question, c'est comme y répondre. Mais, l'iman Dicko se trouve piégé par les circonstances. D'abord, il est tenu à l'égard des jeunes qui sont morts dans ce combat dont certains dans sa mosquée. Dire ouvertement qu'il ne souhaite pas le départ d'IBK serait comme un affront à leur mémoire. Ensuite, à l'égard des autres composantes du M5-RFP qui réclament purement et simplement le retrait du Président de la république. Et surtout la base même du mouvement, c'est à dire les masses populaires que les leaders mobilisent. Et ces dernières y verraient une trahison impardonnable.

Cette ambiguité de l'iman Dicko a pour résultat d'affaiblir le mouvement, voire de faire avorter le combat. À quoi cela sert-il de faire durer le suspense? Que craint en vérité l'iman Dicko?

MF Kantéka

jeudi 6 août 2020

ANALYSES ET VOYANCE POLITIQUES (2e Partie): LA FAILLITE D'IBK



Vingt et un ans plus tôt, après le pamphlet décoché contre IBK (article "IBK se trompe-t-il d'époque?"), qui fit pâlir son étoile, je revenais un mois et un jour plus tard avec un autre article moins centré sur sa personne et plus axé sur sa gouvernance, en tant que Premier ministre d'AOK (Alpha Oumar Konaré). Après quelques tergiversations, le journal a jugé que cet article, moins virulent que le premier, mais non moins critique , était « publiable », sans qu'il y ait lieu de crier au scandale. Peut-être que son propriétaire Tiébilé Dramé s'est fait tordre le bras au niveau de la présidence, pour qu'il m'accorde plus de latitude pour faire descendre de son piédestal IBK qui n'était plus en odeur de sainteté sur la colline du pouvoir dont le principal locataire (lui aussi « victime » de ma plume par le passé) voulait le démettre de ses fonctions. Ou peut-être que le directeur de publication, Ibrahim Traoré, voulait en découdre avec son employeur (Tièbilé Dramé) qui ne cessait de l'humilier, en lui imposant la présence de son ami (le confrère ami d'IBK) et en s'attaquant à lui devant les autres journalistes. Toujours est-il que mon 2e article anti-IBK se fraya un passage dans les annales du Mali, en proie aux turbulences sociales et aux intrigues politiques.
Comme vous pourrez le constater, il n'y a pas une grande différence entre le Premier ministre IBK d'hier et le Président IBK d'aujourd'hui. Le Mali continue à tournoyer dans la spirale du même cycle infernal.

L'ÉCHEC DU « GOUVERNEMENT D'EXCELLENCE»

(publié le lundi 28 juin 1999 dans "Le Républicain", à Bamako)

Le triomphalisme est un péché en politique. Car, en la matière, les choses vont vite. Très vite. Si vite que l'espace d'un temps, on peut dégringoler. Héros d'hier, on se retrouve paria d'aujourd'hui, conspué par ceux-là mêmes qui nous acclamaient. Pour l'avoir oublié, IBK, avec son gouvernement autoproclamé « d'excellence », se trouve pris dans la nasse.


« Vous êtes excellent! » Ces mots résonnent encore dans mes oreilles. C'était il n'y a pas deux ans encore. Et ils émanaient de députés fraîchement élus pour qualifier le Premier ministre IBK, lorsque ce dernier procéda à la présentation, devant l'Assemblée nationale, de la politique générale du gouvernement. Un gouvernement qu'IBK lui-même n'hésitait pas à appeler « gouvernement d'excellence ». C'était le bon temps. IBK, le vent en poupe, claironnait urbi et orbi: « Je ne suis pas le chef d'un gouvernement fantoche.» ou encore: « Je ne suis pas le chef de gouvernement d'une démocratie bananière… Maintenant, ce pays a rompu avec les pratiques ayant cours en son sein par le passé. » C'était du beau IBK, ça! Maniant à merveille la langue de Molière, pour ne pas dire de Cicéron. Un IBK grandiloquent à souhait et triomphaliste sur les bords. Aussi bien dans les propos que dans la gesticulation. Tirant gloire d'une politique tape-à-l'oeil, plus soucieuse d'impressionner que de résoudre les questions de fond. Les vraies questions!
   
    En effet, si le gouvernement d'IBK pouvait se targuer de certaines réalisations en matière d'infrastructures (salles de classes, hôpitaux, routes, maisons à usage d'habitation…), certaines questions demeuraient plus que jamais posées. C'était l'emploi des jeunes. C'était l'administration de la justice, pilier de la démocratie. C'était la bonne répartition des ressources nationales. Car la corruption n'avait jamais été aussi criarde, notamment dans l'attribution des marchés publics. Et, malgré la construction d'hôpitaux, les soins restaient encore inaccessibles au plus grand nombre de citoyens. Soit parce que ces hôpitaux étaient sous-équipés, soit parce que les médicaments étaient trop chers, soit parce que ceux qui prodiguent les soins demeuraient corrompus et à la solde des riches. Et, malgré la construction des salles de classe, les années scolaires demeuraient encore perturbées par les incessantes grèves que le gouvernement d'IBK matait à coups de gaz lacrymogène. Avec sa politique plus basée sur les muscles que sur le dialogue.  C'est d'ailleurs cette politique musclée qui fut à la base de sa gloire éphémère. Certains voyaient en lui le sauveur du régime d'Alpha Oumar Konaré. Sans voir, qu'en fait, l'homme ne faisait qu'une gestion ponctuelle de la crise scolaire au lieu d'un règlement durable du problème.
La nomination d'IBK, au poste de Premier ministre, faisait suite à celle de deux autres. Le premier, Younous Touré, avait été nommé pour sa formation d'économiste afin de rassurer les institutions financières internationales et les encourager à investir dans notre pays fraîchement démocratisé. Le second, Abdoulaye Sékou Sow, l'avait été pour sa neutre coloration politique et son tempérament de conciliateur afin d'apaiser la tension politique dans le pays. Et IBK, qui venait en troisième position dans un contexte social surchauffé par les incessants mouvements estudiantins, n'avait guère le choix. Il devait sévir. Et fort. Puisqu'il avait été nommé pour cela.
   
    Mais, balayant du revers de la main toutes ces considérations, IBK se voyait comme étant le sauveur de la République. D'ailleurs ne lui ronronnait-on pas à l'oreille qu'il était le messie? Et puisqu'en plus de cela, tous les indicateurs étaient au vert. Les chiffres ne plaidaient-ils pas pour lui? Cité bon bon élève du FMI (Fonds Monétaire International), le pays affichait une croissance (selon les chiffres) qui le faisait envier par les voisins. Alors même que la pauvreté continuait à ronger les populations. Alors même que les denrées de première nécessité devenaient de plus en plus coûteuses. Alors même que de jeunes cadres dynamiques et talentueux sillonnaient les rues en quête d'emplois introuvables. Dans un pays où tout reste pourtant à faire. Un pays en friches!

    Eh bien, la vérité finit toujours par montrer son nez. Très vite, on se rendit compte que l'homme, bourgeois autoproclamé,  ne dédaigne pas le confort, multipliant à souhait les dépenses d'apparat et de prestige. Dans un pays aussi pauvre! On a parlé de la somme vertigineuse de 800 millions investis dans la seule réfection de sa maison. De 700 millions de facture de téléphone, etc. Et l'homme traînait derrière lui des élections bâclées qui ont englouti 15 milliards et plongé le pays dans des contestations qui ont failli le déstabiliser. Mais, c'est surtout la crise énergétique, que le pays connaît depuis plusieurs années déjà et qui a atteint son acuité cette année, qui a définitivement entamé le prestige éphémère d'un IBK plus seul que jamais. Comme l'écrivait si bien un confrère de la place, « l'excellence ne se décrète pas ». Mieux, on ne peut pas exorciser les rudes réalités par les mots. Et ce n'est pas avec la rhétorique qu'on fait la « politique d'excellence ». L'histoire nous apprend que Cicéron lui-même, qui a porté l'éloquence latine à son apogée dans ses plaidoyers, se révéla un médiocre politicien. Vaniteux à l'excès et toujours à la remorque d'un homme politique.

    IBK a tout simplement oublié que la politique est une question de prévention et non de gestion ponctuelle. Une affaire de prospective et non de bricolage. Sa politique n'aura finalement été qu'une construction de maison en banco où l'on colmate les brèches au fur et à mesure qu'elles se présentent. Et recommencer la même besogne à la moindre pluie. La « politique d'excellence » n'a pas besoin d'être clamée sur les toits. On la voit tout de suite. On l'a vue au Burkina-Faso avec Thomas Sankara qui, en quatre ans de règne, a fait subir une métamorphose à ce pays, tant au niveau des infrastructures qu'au niveau de la qualité de vie des citoyens. Surtout au niveau de la mentalité du Burkinabé qui a une conscience aigüe de la chose publique. Lui avait compris que la politique dans un pays pauvre n'est pas une sinécure, qu'il fallait être un apôtre de l'abnégation. Accepter de suer avec le peuple. Et ne pas surtout avoir une conception jouisseuse du pouvoir.

    L'humilité recommande en ce moment à IBK de faire son mea culpa et de tirer sa révérence.

Signé: Mountaga Fané

Vous remarquerez que, mis à part certains détails, ce portrait de la situation, fait 21 ans auparavant, correspond point par point à celui d'aujourd'hui, après 7 ans de règne du Président IBK. Avec en prime, l'hécatombe enregistrée par l'armée malienne, l'essor du grand banditisme, la corruption encore plus galopante, le népotisme comme on en n'a jamais vu au Mali, les grèves à répétition, les tueries de manifestants politiques et de simples citoyens. Bref, la faillite totale du pays. Avec à la clé la même question finale: le départ réclamé d'IBK.
Cependant, avant d'en arriver là, j'avais aussi prédit qu'IBK serait Président du Mali, malgré sa disgrâce auprès du président Alpha Oumar Konaré. Officiellement, il démissionnait en février 2000. Officieusement, il était poussé à la porte par les intrigues machiavéliques du Chef d'orchestre de Koulouba, le prince AOK, héritier de Nicolas Machiavel. Celui que j'avais surnommé Le Florentin. Et j'avais quitté Le Républicain dans des conditions assez cocasses, au grand dam de Tièbilé Dramé (pris à son propre piège) qui s'était débarrassé du directeur de publication, Ibrahim Traoré, pour le remplacer par un sous-fifre, avec la consigne de bloquer mes articles problématiques. Et je les donnais au journal Le Malien qui les publiait et les mettait à la UNE. C'est ainsi que je retournai à ce journal de mes débuts où j'avais une totale liberté de manoeuvre, sans même me donner la peine de présenter ma démission à Tièbilé Dramé. Je lui dis seulement d'en tirer les conséquences, quand j'étais allé le trouver au siège de son parti politique (PARENA) pour exiger le paiement de mes arriérés de salaire, en présence de Djiguiba Keita dit PPR. Et ma réclamation était assortie d'ultimatum. Heureusement qu'il s'est exécuté…

    Revenu au bercail avec Le Malien, je donnai libre cours aux articles les plus inspirés contre le régime en place. Pour en revenir à IBK, un mois et un jour avant sa « démission », dans un article d’analyse à la UNE, daté du 13 janvier 2000, intitulé "QUI APRÈS ALPHA ?", j'explorai les pistes au sujet de la succession du président en exercice Alpha Oumar Konaré. Et j'écrivis: « IBK ou ATT ! Voilà la seule alternative qui revient dans les causeries de salon. Comme si nulle autre possibilité n’était envisageable. Or ni l’une, ni l’autre solution ne nous paraissent être l’idéal pour ce pays… Eh, oui ! Rien ne sert de se leurrer. Si jamais aucune autre piste n’est explorée hormis l’équation IBK-ATT, LES MALIENS S’EN MORDRONT LONGTEMPS LES DOIGTS. » Et plus loin, après avoir invité la classe politique à puiser dans les forces vives du pays, je conclus : « Et nous espérons qu’il en sera ainsi. Sans quoi, l’unique alternative IBK-ATT, serait DRAMATIQUE pour ce pays.»
Je revins encore là-dessus dans un billet satirique daté du 27 MARS 2000, intitulé "Y A-T-IL ENCORE UN HOMME D’ETAT AU MALI ?" pour tirer sur la sonnette d'alerte.

    Ensuite, j'aperçus IBK un dimanche après-midi du côté de la cité du Niger, alors que je me faisais remorquer par un voisin et un grand fan de mes articles. Ce dernier s'empressa d'aller rejoindre le potentat déchu et lui dit qui je suis. On eut alors l'occasion d'échanger une poignée de mains. Et je sentis sa main fraîche et douce comme celle d'un nourrisson, attestant de sa bonne santé physique et mentale qu'on pouvait déjà voir sur sa mine radieuse. Cela me donna encore l'occasion d'écrire un billet, intitulé "ATTENTION! IBK N'EST PAS ENCORE MORT!", dans lequel je fis le compte rendu de ma rencontre avec lui, ajouté à d'autres informations que j'avais sur lui. Et j'affirmai que le fait de ne plus être au pouvoir lui a été très bénéfique, en lui donnant la chance de se régénérer. Et qu'il est maintenant prêt à prendre le pouvoir. Un lecteur du journal dit au directeur de publication, Cheick Fanta Mady Keita (paix à son âme), que je ne connais pas la politique, vu que la relégation d'IBK par AOK l'avait définitivement écarté du chemin du pouvoir. Il n'était pas le seul à penser ainsi. Je dis à Cheick Fanta Mady: « C'est simple! Le temps nous le dira.» Mais, Cheick Fanta Mady est, hélas, mort la même année, dans des circonstances nébuleuses, dans la fleur de l'âge, sans avoir l'occasion d'entendre le verdict du temps. IBK, écarté de la présidence en 2002 par la fraude au profit d'ATT, est plébiscité en 2013 (suite au putsch perpétré contre le même ATT), puis reconduit frauduleusement en 2018, aux dépens de Soumaïla Cissé (porté disparu en ce moment). Et rattrapé par son destin d'homme calamiteux, constamment contesté. Et, c'est le Mali et les Maliens qui en font les frais aujourd'hui.

    Je finirai par une révélation qui m'a été faite dans un rêve en 2013, avant l'investiture d'IBK. Dans mon rêve, on est venu me dire qu'IBK a été neutralisé par un certain MANUEL. Et je le voyais embarquer dans une camionnette dans laquelle on l'emportait sur le Pont des Martyrs. Trois ans et poussière après, la France élit EMMANUEL MACRON comme président. Et j'espère bien qu'il est le MANUEL de mon rêve qui va décider IBK à quitter le pouvoir. Sinon, comme j'ai eu à l'écrire sur Twitter ou sur Facebook, IBK et sa famille risquent de subir le même sort que ROBERT GUÉI de la Côte-d'Ivoire. Et je ne le souhaite pas. Vivement que le jeune Manuel Macron convainque son vieux « compatriote » IBK de s'éloigner du Mali, en prenant le chemin de l'exil, ne serait-ce que pour un temps. Le temps de laisser les sentiments de colère et de frustration s'assoupir. C'est le moindre mal pour lui et pour les Maliens.

mardi 4 août 2020

ANALYSES ET VOYANCE POLITIQUES: QUAND LE TEMPS DONNE RAISON À MES ÉCRITS SUR IBK ET CONSORTS (I)



Le 15 juillet dernier, soit un peu plus de deux semaines auparavant, je rafraichissais les mémoires en faisant ressortir des articles datant du début de règne du président malien d'IBK (Ibrahim Boubacar Keita), prédisant sa fin. Aujourd'hui, je remonte plus de vingt ans en arrière, en faisant sortir de mes archives des articles que j'avais écrits sur lui quand il était encore le Premier ministre d'AOK (Alpha Oumar Konaré) et après sa disgrâce. Et pour cela, j'ai pris la peine de recopier ces articles qui sont sur support papier, mêlant le pamphlet, l'analyse et la prospective politique. L'exercice en vaut la peine, car il m'offre l'occasion de numériser certains de mes écrits dans le but d'en faire un recueil de textes, destiné à l'enseignement dans les écoles de journalisme et de sciences politiques.

Premier article: IBK SE TROMPE-T-IL D'ÉPOQUE?
(publié le jeudi 27 mai 1999 dans "Le Républicain", à Bamako)


« Vous devez coopérer avec nous. Nul ne doit chercher à déstabiliser le Mali. Ne gérez pas la rumeur. Venez chercher l'information. Nous avons créé la cellule gouvernementale d'information pour cela…»

Ainsi s'adressait à la presse réunie, à l'occasion de la journée de restitution de la Table ronde de Genève, Le Premier ministre IBK, pointant l'index et sur un ton comminatoire.
C'était du IBK tout craché. Les propos dérangeants, le ton et la gestuelle agressifs, le regard furieux. Tout y était. En effet, l'homme, tout en s'attribuant les vertus d'un démocrate, cache mal son goût du commandement. D'aucuns disent qu'il ressemble étrangement au dictateur déchu, le Général Moussa Traoré. Mis à part son « latin de foire » (car l'homme aime à s'exprimer dans un vocabulaire suranné et emphatique) et sa petite taille. Ce qui n'est pas d'ailleurs faux. Car, IBK a l'art de donner la chair de poule quand il s'exprime. À croire qu'il a une matraque à la place du verbe. Ses balourdises verbales ont fortement contribué à le rendre impopulaire jusque dans l'entourage du Président de la République dont certains proches collaborateurs ne font pas mystère de leur hostilité à son égard. Nous avons pu entendre des propos comme: « Rarement au Mali, sous la IIIe République, un homme avait réussi à réunir un tel consensus autour de sa personne. Mais, il a réussi à gâcher tout le capital de confiance et de sympathie accumulé en sa faveur par ses sorties malheureuses.» Ceux-ci n'hésitent pas d'ailleurs à affirmer que « si jamais le Président AOK s'avisait d'ouvrir la voie de la présidence à ce monsieur, c'en est fini du Mali!» Nous n'insisterons pas d'ailleurs sur la nuée de propos crus de ce genre, tenus à son égard. Ces mêmes sources nous apprennent que le Président AOK aurait laissé entendre que « le pouvoir lui est monté à la tête », quand on lui a apporté que le Premier ministre bourgeois a l'habitude de « couper la route » aux passants, même pendant le mois de ramadan, lors de ses déplacements.

Tout ceci, en définitive, pour dire qu'IBK se trompe d'époque. Ayant un goût morbide de la puissance, il confond la conception totalitaire et la conception démocratique du pouvoir. Premier ministre, nommé par simple décret, n'ayant aucune légitimité populaire et révocable à souhait, il agit déjà comme un seigneur sur ses terres. Qu'adviendra-t-il le jour où il siégera à Koulouba? S'interrogent bon nombre de citoyens avec angoisse. Certains confrères, à cette idée, pensent s'exiler, car, pensent-ils: « celui-là va tous nous foutre en taule.» Ce naturel autoritaire serait plus compréhensible si IBK avait conquis le pouvoir par les armes. Et seulement dans ce cas, il pourrait à sa guise proférer des menaces, en agitant l'index contre les journalistes et la nation entière. Mais, de grâce, dans le contexte actuel où les gouvernants sont censés émaner du choix du peuple, qu'il mette de l'eau dans son vin.

Un journaliste n'est nullement tenu de se fier uniquement aux sources institutionnelles. Mieux, il doit même s'en méfier, car les sources proches du pouvoir ont des experts en communication dont la tâche consiste à orienter le journaliste, dans le but d'occulter les erreurs du gouvernement. Aucun État au monde n'est prompt à se mettre à nu devant un journaliste. Le confrère qui se bornera à consulter exclusivement les sources étatiques devra se contenter de faire un journalisme de promotion de l'État. Pourra-t-il alors se considérer comme un vrai journaliste?

Signé: Mountaga Fané

NB: Quand je vins présenter cet article au directeur de publication, Ibrahim Traoré, je n'étais pas sûr qu'il allait le publier, compte tenu de sa tendance à censurer mes papiers. Mais, à ma grande surprise, après lecture du texte, il s'est écrié: « Je prends l'article. Je le prends. Je le prends.» Et il l'a mis à la UNE du Républicain, à ses risques et péril. Le propriétaire du journal, Tièbilé Dramé (actuel ministre des Affaires étrangères d'IBK), l'a vivement critiqué. Tièbilé, qui me snobait, a même jugé nécessaire de m'adresser la parole, pour la première fois, dans un mélange de fureur et d'admiration. Il craignait qu'on dise que c'est lui qui a commandité l'article. Cependant, il insista pour qu'on mette mon nom dans l'ours du journal où j'étais considéré un peu comme un « étranger», vu que ma plume ne correspondait pas à sa ligne éditoriale, très proche du pouvoir. Tièbilé Dramé était pris dans un sacré dilemme, vu qu'au niveau de Koulouba, mon article fut vivement apprécié, selon les échos que j'en ai eus de la part de mes « amis », collaborateurs du Président AOK. Son attaché de presse de l'époque (que j'ai connu en France et qui est un diplomate aujourd'hui) m'a dit qu'il a passé la journée à faire des photocopies de l'article pour les distribuer au personnel de la présidence qui faisait la queue pour s'en procurer. Un autre proche collaborateur d'AOK, un poète (paix à son âme) et un ami, malgré la différence d'âge, d'habitude très réservé, a trouvé que l'article était trop court et qu'il aurait voulu que je consacre plus de longueur sur les dérives d'IBK, dans le même style. Au niveau des confrères d'autres journaux, je reçus aussi de vives félicitations. J'appris aussi d'un confrère, ami de Tièbilé et d'IBK (dont il est un proche collaborateur aujourd'hui) que ce dernier faillit tomber en syncope à la lecture de l'article et s'écria: « Qu'est-ce que j'ai encore fait?» Et un médecin serait venu pour l'ausculter. La femme d'IBK aurait dit à ce confrère: « Comment peux-tu laisser publier un tel article, alors que tu travailles dans le journal?» Ce confrère s'évertua à me sermonner, en essayant d'y mettre des caresses… Un autre confrère d'un autre journal me dit, avec un accent prémonitoire, que je ne pourrai plus rester au Mali, après un tel affront à l'homme fort du pays. Il a eu raison, car un an et demi après, je prenais le chemin de l'exil. Mais, lui-même est en exil aujourd'hui, à cause du régime d'IBK qui a attenté à sa vie pour une tragique affaire que je ne mentionnerai pas ici. Au niveau de ma famille, j'ai eu quelques soucis… J'ai aussi passé des nuits à sortir avec une carabine à plomb dans ma voiture, lors de mes promenades, dans le but de faire peur à d'éventuels agresseurs et enleveurs de journalistes…
Je reviendrai pour la suite dans le 2e volet...

samedi 1 août 2020

MALI: QUI A DIT QU'UN PRÉSIDENT ÉLU NE PEUT PAS PARTIR AVANT LA FIN DE SON MANDAT?



Pour maintenir au pouvoir le contesté et contestable président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keita), malgré sa faillite avérée et les tueries perpétrées sur des manifestants et sur des paisibles citoyens nuitamment, on avance l'argument-massue selon lequel il est indéboulonnable, vu que son mandat n'a pas encore expiré. Et, parmi ceux qui invoquent ce prétexte « démocratique», figurent les grands décideurs de l'Occident. Qu'en est-il dans la pratique?

Sans aller par quatre chemins et sans m'encombrer de détails superfétatoires, je citerai seulement deux exemples qui enlèvent toute crédibilité à cet argument farfelu. Je citerai d'abord le cas haïtien avec le président Jean-Bertrand Aristide qui, en plein mandat, a été enlevé du pouvoir manu militari par les Américains, avec la bénédiction du Canada et une partie de la « communauté internationale », et conduit en exil à bord d'un avion américain. C'était en 2004, suite à des affrontements entre opposition et majorité, ayant débouché sur des tueries. Aristide lui-même a parlé d'enlèvement. Et la Communauté caribéenne a elle aussi déploré cette ingérence.

Le deuxième exemple est plus récent et s'est déroulé en Bolivie avec le président Evo Morales qui, réélu officiellement en 2019, a dû céder devant la pression populaire, suite à des manifestations de masse ayant donné lieu à des violences. Lui aussi prit le chemin de l'exil. Et le New York Times avait approuvé ce départ en ces termes: « Lorsqu’un dirigeant abuse aussi effrontément du pouvoir et des institutions qui lui sont confiées par le suffrage, comme l’a fait le président Evo Morales en Bolivie, il perd sa légitimité. Et le forcer à partir devient souvent la seule option qui lui reste. C’est ce qu’ont fait les Boliviens. » Comme le rapporte Le Monde diplomatique dans un récent article intitulé " Coup d'État médiatique".

Et pourquoi le président malien IBK devrait-il être épargné? Qu'a t-il fait pour Dieu pour mériter ce privilège? Pire que cela, n'a-t-il pas tripatouillé la Constitution malienne pour briguer un 2e mandat alors qu'il avait atteint la limite d'âge? Et sa réélection n'a t-il pas été entachée de fraudes massives ayant mis le pays en ébullition? Et n'a t-il pas du sang sur les mains? N'est-il pas encore en train de brandir des menaces à l'encontre des manifestants? Pourquoi refuser aux Maliens d'user de leur droit de démettre un mauvais président, dans tous les sens du terme? Sans compter son inaptitude à gouverner, pour raison de santé mentale, comme je le rapportai dans mon dernier article.


LA RESPONSABILITÉ DE LA FRANCE ET DES ÉTATS-UNIS


Nous savons de source sûre que, en plus de l'Union européenne, la France et les États-Unis ont assuré le président IBK de leur soutien. On nous dit même que la France a dit à IBK de « s'assumer ». Un mot qu'il a répété lors de son discours comminatoire du 31 juillet. En définitive, toutes les tueries de masse qui vont survenir au Mali, dans les jours à venir, seront imputables aussi à la France et aux États-Unis, entre autres. Et s'il y a poursuite devant la Cour pénale internationale, Macron et Trump seront eux aussi appelés à la Barre. En voulant, comme à leur habitude, continuer avec leur politique de deux poids, deux mesures, ils devront s'attendre à rendre des comptes. Surtout quand il y a mort d'hommes. À un moment donné, la décence doit primer sur la cupidité et cet atavique réflexe de colon.

MF Kantéka