La question n’est pas
très pertinente car un plagiaire est forcément un imposteur. Et un imposteur
est irrésistiblement voué à faire du plagiat ou à l'endosser.
Quand un présumé auteur prétend qu’il
est superflu de demander de quoi parle son livre, je me pose des questions.
Peut-on se mettre à table pour écrire, sans savoir de quoi on parle? Un livre
est toujours motivé par une idée de départ, même si cette idée de départ peut
être dédoublée voire supplantée par d’autres idées, nous menant vers une autre
destination. Toujours est-il qu’un livre, qu’il soit commandité ou inspiré,
comprend toujours un thème central (voire des thèmes centraux) et des
sous-thèmes.
Si c’est un roman
autobiographique, le livre s’inspire de notre vécu. Et même ce qu’on appelle «
fiction » est tributaire de notre vécu, puisqu’on imagine à travers le prisme
de notre vécu et selon nos aptitudes. Je suis de ceux qui pensent que la
réalité dépasse la fiction, puisque toute fiction ne peut être imaginée qu’à
partir de la réalité. Pour échafauder une fiction, il faut d’abord exister en
chair et en os et partir sur la base d’idées inspirées par son vécu qu’on
extrapole ensuite. Par exemple, les créatures étranges qu’on trouve dans les
œuvres de JRR Tolkien, lui ont peut-être été inspirées par des rêves ou des
contes qu’il a lus ou écoutés… Sans compter que certaines de ces créatures ont
existé à une certaine époque. Par exemple, dans l’histoire de l’Afrique, on
trouve des géants qui pouvaient mesurer jusqu’à dix mètres de hauteur. Dans
l’histoire de mon pays, il y en a eu. Comme on peut trouver aussi des nains, tel le Gollum de Tolkien. Ou bien d’autres sortes d’infirmités, comme un
homme-serpent qui rampe par terre. Personnellement, j’ai vu à Bamako un
adolescent qui était dans cette situation dans une famille assez aisée,
résidant à la cité du Niger. J’en ai encore la chair de poule, plus de vingt
ans après. Le sort m’a aussi sauvé, en m’épargnant le spectacle lugubre d’une
belle fille qui s’est métamorphosée en serpent dans un bar de Sébénikôrô, à
Bamako, à la même époque.
Je l'évoque d'ailleurs quelque part dans mes
récits innombrables...
Dans la vie, on peut
dire qu’on n’a pas vu ou qu’on ne croit pas, mais il faut se garder de dire que
ça n’existe pas, car tout peut exister sur cette terre…
Pour en revenir à ma
question, la littérature s’inspire toujours de la vie, vécue ou subodorée.
Donc, on peut toujours dire de quoi parle un livre. Si l’on ne peut pas dire de
quoi parle un livre sur lequel on a travaillé pendant des mois, voire des
années, ça sent l’imposture…
Pour éviter tout cela,
il faut se contenter de son vécu et éviter d’aller empiéter sur le terrain des
autres, en recourant à des élucubrations. Chaque personne à un vécu personnel,
une histoire familiale, nationale ou ancestrale. Ce ne sont pas les sujets qui
manquent.
Et il faut éviter ce
genre de facilité qui a conduit mon compatriote Yambo Ouologuem (paix à son âme!) à
se faire piéger et à encourir l’opprobre, alors que les vrais responsables se
la coulent douce. Je sais comment les choses se passent au niveau de certaines
maisons d’édition qui sont capables de tout, même du meurtre…
Peu avant la mort de
Yambo Ouologuem, j’avais été contacté par quelqu’un, proche de sa famille, pour
que je participe à un travail sur ses archives. Je ne pouvais pas à cause de
mes occupations. Je n’aurais pas assez de vie pour écrire ou finir tous les
livres que j’ai en chantier.
Frères, ne soyez pas
trop pressés. L’écriture est une discipline de longue haleine. Et je crois que
c’est Nietzsche, je n’en suis pas très sûr, qui a dit que le vrai écrivain est
un écrivain posthume. Je suis d’accord avec cela. Et je n’écris pas pour la
vie, mais pour l’après-vie, pour laisser quelque chose qui pourra faire avancer
les choses. Cela fait près de vingt ans maintenant que je travaille sur les
suites de mes recherches sur l’histoire mandingue. Et je vais de surprise en
surprise qui me poussent à renier certains passages de mon livre ‘’Odyssée
noires/ Amours et mémoire d’Outre-monde’’ et même certains arguments de Cheikh
Anta Diop pour qui j’ai pourtant une estime sans faille.
Si j’étais trop pressé,
j’allais commettre des erreurs irréparables. Pour tromper mon impatience et ma
lassitude, j’ai eu le temps d’écrire au moins une dizaine de livres, tous
inspirés de mon vécu dont le dernier parle d’un traquenard mystique
d’homosexuels au milieu duquel je me trouvai embarqué, comme si des homosexuels
de divers horizons s’étaient donné le mot pour me mettre dans le pétrin…
Commencé le 17 avril
dernier, date magique, le livre fait déjà deux tomes. Et il s’écrit tout seul, à la faveur
des évènements. Beaucoup de tabous seront levés sur cette question épineuse,
sans verser dans l’homophobie. De la même manière qu’on peut parler des abus d’hétérosexuels,
de la même manière on doit pouvoir parler des abus d’homosexuels, sinon ça s'apparenterait à une forme de tyrannie…
Alors, jeune homme, je
sais que tu me lis, j’espère que tu as capté mon message. Fais attention! Ne te
laisse pas emberlificoter par la racaille littéraire…
MF Kantéka
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