vendredi 19 juin 2020

NOIR OU NÈGRE?


Je frémis déjà à l'idée du nombre incalculable d'ennemis que je vais me faire encore au sein de mes congénères. À cause de ce mot "Nègre" annoncé dans le titre. Ce mot tant redouté et honni par certains de nos frères et soeurs. Mais qu'ils ou elles ne se précipitent pas trop dans leur condamnation. Qu'ils attendent de finir la lecture de ce court texte, avant de me jeter la pierre de la damnation. Une pierre qui, d'ailleurs, est inopérante contre moi...

« Aimerais-tu qu'on t'appelle Noir ou Nègre?», me demandaient avec malice des camarades d'université, lors de mes premières années d'études dans le sud de la France. C'étaient des petits Blancs qui me posaient ainsi cette question insidieuse, s'attendant à ce que j'entre sous terre de confusion. Mais, ce sont eux qui rentraient dans leurs petits souliers, face à ma réponse: « Appelez-moi Noir ou Nègre. Ça ne change rien à ce que je suis. Et je suis très fier d'être ce que je suis.» Et voilà la question réglée! Finalement, je me suis rendu compte plus tard que beaucoup de Blancs, y compris mes petits camarades d'université et mes camarades de foot, rêvaient d'être comme moi: Noir ou Nègre. Pas seulement pour mon aspect physique. Ils enviaient même mon fort accent bambara (appliqué au français de France), consistant à rouler le «r» comme avec un tambour de guerre. Ils disaient que j'en abusais, parce que ça attire les femmes blanches. J'ai des tonnes d'anecdotes là-dessus. Des anecdotes que je réserve pour mes mémoires…

Maintenant, pour en venir à mes frères noirs ou nègres, je constate que certains d'entre eux en font une véritable maladie. Le mot "Nègre" sonne à leurs oreilles comme le gong du jugement dernier. Il y a même une écrivaine noire, lors de la sortie de mon premier livre publié (Odyssées noires), qui, à la lecture de ce mot dans mon livre, m'a fait tout un procès, allant jusqu'à donner à ce mot un sens de macchabée. J'ai beau lui dire que Noir et Nègre sont synonymes. J'ai beau lui expliquer que l'utilisation du mot "Nègre" ne date pas de l'esclavage des Noirs, mais remonte aux temps les plus glorieux du peuple noir, quand il dominait le monde, et que les Blancs croupissaient dans l'obscurantisme et l'esclavage. J'ai beau lui parler de "Nations nègres et culture" de Cheikh Anta Diop. J'ai beau lui parler de la "Négritude" d'Aimé Césaire. J'ai beau lui parler de Negro-spiritual. J'ai beau lui parler des "arts nègres". J'ai beau lui parler de Malcolm X et de Martin Luther King qui, tous, utilisaient ce mot " Nègre" (Negro) avec fierté. Rien n'y a fait. Elle ne voulait rien comprendre. C'était comme si elle me demandait de brûler mon stock de livres, à cause de la présence de ce mot "Nègre". Finalement, excédé, à bout de nerfs, je lui ai sommé de me rendre mon livre, moyennant remboursement. Parce que j'estimais que mon livre n'était pas fait pour elle et tous ceux qui réfléchissent comme elle. Mais, elle n'a pas voulu me le retourner. Parce qu'elle en avait besoin pour se soigner...

Tout ce préambule pour dire quoi? Tout ce préambule pour dire que les Noirs doivent arrêter de se définir par rapport au regard du Blanc. L'histoire de l'Homme noir ou Nègre n'a pas commencé avec l'Homme blanc et ne s'arrêtera pas avec l'Homme blanc qui n'est qu'un épiphénomène dans notre riche vécu de civilisateur du monde. Les Noirs qui condamnent l'usage du mot "Nègre" s'accommodent pourtant bien avec l'emploi péjoratif du mot "noir" pour désigner tout ce qui est laid et diabolique. Ils emploient même ces expressions, destinées  à jeter l'anathème sur les Noirs, par la force magique contenue dans le verbe. C'est pourtant sur ce terrain qu'il faut mener la guerre pour corriger les dictionnaires façonnés par les leucodermes.

Même si je concède que le mot "Nègre" dans la bouche d'un Blanc peut revêtir des arrière-pensées nocives, est-ce une raison pour que je prive ma prosodie de ce mot qui sonne si viril à mon oreille? Est-ce une raison pour que je fléchisse sous la pression de Nègres ou Négresses complexés qui singent l'accent des Blancs ou portent des perruques ou des mèches pour ressembler aux Blanches? Que chacun ou chacune vive sa noirceur ou sa négritude comme il ou elle l'entend. Et qu'on me foute la paix avec ce faux débat!
Moi, je connais mon histoire. Je connais mes ancêtres. Mon histoire n'est ni liée à l'esclavage ni à la colonisation ni à l'Homme blanc. La chute de l'Homme noir ne vient que de l'Homme noir. Tant que vous n'accepterez pas cette vérité, vous allez errer longtemps dans le labyrinthe de la futilité...

MF Kantéka

mardi 16 juin 2020

DES BÊTES HUMAINES PROGRAMMÉES POUR TUER


Le professeur de Sciences criminelles, André Vitu, coauteur du célèbre "Traité de droit criminel" (avec Roger Merle), nous mettait en garde contre les policiers français, en ces termes: « Si vous êtes confrontés à eux, ne discutez pas avec eux. Ne vous dites pas que vous êtes des juristes et que vous pouvez les convaincre. Évitez-les.» Eh, bien, le vieux Vitu savait de quoi il parlait.  Il n'y a rien de pire qu'un homme inculte, habillé d'un uniforme et armé d'un pistolet ou d'un revolver, à qui l'on confie notre sort, sous le noble prétexte de défendre l'ordre public. Il se croit investi d'un permis de tuer à sa guise, comme si la soif du sang est la véritable motivation qui l'a conduit à embrasser la carrière de policier. Le besoin irrépressible de tuer du gibier humain. Lui-même n'étant qu'une bête humaine programmée pour tuer. Tuer son semblable. Ajoutez à cette pulsion bestiale l'argument racial, et vous avez la réponse à cette succession de massacres d'Afro-américains par des policiers blancs. Sinon comment comprendre qu'en ces temps d'émeutes raciales, à cause du meurtre odieux de George Floyd à Minneapolis, un autre policier blanc ose tirer dans le dos d'un autre Afro-américain?

Seulement dix-huit jours après le scandaleux assassinat de George, survenu le lundi 25 mai, alors que l'Amérique pleure et brûle encore, voilà que Rayshard Brooks se fait buter dans la nuit du vendredi 12 juin, à Atlanta. Si encore il représentait une menace, on aurait pu comprendre. Mais, non, il fuyait. Il faisait dos et détalait, comme un gibier fuyant le chasseur,  pour mettre de la distance entre lui et les anges de la mort. Malgré tout, il n'échappa pas au trépas. La mort infligée par les bêtes humaines programmées pour tuer. Avec une froideur mécanique. Que peut-on dire d'autre sinon que les policiers américains sont des robots, incapables de réfléchir? Tuer pour eux relève d'un réflexe. C'est comme si on les a lobotomisés, en leur inculquant ce mot d'ordre: « N'hésitez pas à tuer des Nègres, à la moindre occasion.» Le pire est que même des policiers afro-américains n'hésitent pas à tuer leurs congénères…

Face à ce constat, on peut se demander qu'est-ce qui pousse des commerçants à faire appel à la police pour des broutilles. George Floyd a été sauvagement assassiné parce qu'un commerçant avait estimé qu'il lui avait fourgué un faux billet de 20$. Vingt malheureux dollars. Et l'Amérique a brûlé pour ça. Occasionnant des dégâts qui se chiffrent à des millions, voire de milliards de dollars. Et maintenant, c'est Rayshard Brooks qui fait les frais d'une dénonciation fantaisiste. Tout simplement parce qu'il dormait dans sa voiture, devant un restaurant, en attendant d'aller rejoindre sa femme et ses quatre enfants. Pour ça, on l'a refroidi. Et le restaurant en cause a brûlé dans les flammes des émeutes raciales qui secouent l'Amérique et qui continueront à secouer l'Amérique tant que les robots humains ne seront pas déprogrammés.

On se demande finalement, si les véritables responsables de ces malheurs ne sont pas ceux qui font appel à ces bêtes humaines pour des problèmes véniels qu'on peut régler par des paroles cordiales.  Les bêtes de la dénonciation futile n'ont dorénavant qu'à réfléchir avant d'agir, parce qu'elles ne s'en tireront plus à bon compte. Chaque fois qu'on prendra la vie d'un Noir pour des futilités, les commerces des dénonciateurs brûleront de mille feux et de mille flammes…

MF Kantéka

dimanche 14 juin 2020

LE RACISME À L'ORDRE DU JOUR


Les émeutes aux États-Unis et à travers le monde, suite au spectaculaire meurtre de l'Afro-américain George Floyd, a remis à l'ordre du jour les dissertations sur le racisme. Qui cesse soudainement d'être un sujet tabou dans les grands médias qui naguère avaient décrété une omettra sur le sujet. Taxant de réflexe de victimisation toute allusion à cette question.
Tout le monde a son mot à dire là-dessus maintenant. Même ceux qui ont alimenté ce fléau des lustres durant, soit par leur silence ou inaction, soit par leurs propos ou actes. Aussi bien des Blancs que des Noirs. Il y a même un congénère écrivain, connu pour ses clichés racistes, devenus immortels, qui s'est laissé allé dans une métaphore avec le virus du corona…

Ce sujet brûlant hante ma littérature, que ce soit sur les rapports entre Noirs en Afrique, les rapports entre Noirs et Maghrébins ou les rapports entre Blancs et Noirs… En mars 2009, alors que c'était encore un danger de mort de disserter là-dessus au Québec, quand on est immigrant, je m'y étais étalé à coeur joie. J'y avais consacré un article à deux volets. Voilà comment j'avais introduit le sujet:

« Dans son essai sur ’’LE RACISME’’, après avoir précisé que le concept de « race » est un terme d’élevage qui ne fut appliqué à l’homme qu’à partir du XVIIe siècle, ALBERT MEMMI, célèbre pour son ’’ Portrait du colonisé’’, n’a pas manqué d’ajouter :
« D’abord, la quasi-totalité des groupes humains actuels sont le produit de métissages, de sorte qu’il est pratiquement impossible de caractériser des « races pures ». Il est déjà très difficile de classer les groupes humains selon des critères biologiques toujours imprécis. Enfin, la constante évolution de l’espèce humaine et le caractère toujours provisoire des groupes humains rendent illusoire toute définition de la race fondée sur des données ethniques stables. »

Après de telles révélations, on pourrait croire qu’aucun homme avisé ne se hasarderait plus à prendre la tête de ses semblables avec de délétères questions de « race ». Ce serait se méprendre sur l’espèce humaine — bien en deçà de l’animal quant aux questions essentielles — et sa congénitale tendance à la mystification, parce que depuis que le monde est monde, les sociétés humaines se sont organisées autour de mensonges, érigés en vérités dogmatiques, servant tantôt de mode de fonctionnement de la société en question, tantôt de réflexes d’autodéfense face à des dangers souvent réels, mais la plupart du temps imaginaires et relevant de l’univers nébuleux et insaisissable des phobies. Et cela fut toujours un malheur pour le téméraire prompt à éventer ces mystifications. Phénomène universel et intemporel, le racisme fait partie de ces mensonges collectifs dont la dénonciation ne se fait pas toujours dans l’impunité…
C’est une musique macabre qui revient et reviendra toujours. Toujours et toujours. Sans cesse. Sans aucune possibilité d’y échapper. On y est mêlé d’une manière ou d’une autre. Que ce soit par vocation ou par … réaction. À moins de s’exiler sur une autre planète… Revêtant des formes différentes selon le contexte socio-écomico-politique du lieu qui l’a engendrée, la névrose raciste est aussi permanente que taboue. Et c’est souvent dans les sociétés où ce fléau est le plus vivace que tout un système de dénégation est mis en place pour étouffer les tentatives de dénonciation émanant des victimes. Un SYSTÈME DE DÉNÉGATION, accompagné de son lot de mesures d’intimidation et de répression, qui n’est pas sans rappeler le « SYSTEME CLOS » communiste évoqué dans la dernière enquête à propos de la névrose maçonnique. Autant le mot « complot » est tabou pour les maçons, autant le mot « racisme » l’est pour les racistes…

* * * * *

Si tout le monde est plus ou moins sujet à de sporadiques dérives racistes, personne ne veut être taxé de raciste. Pas même les racistes invétérés. C’est pourquoi dans des sociétés foncièrement racistes, on érige tout un marché de dupes où des voix médiatiques, plus ou moins autorisées, s’élèvent pour nier l’indéniable, n’étant pas elles-mêmes victimes des comportements incriminés — parce que faisant partie des groupes en position de force d’où émanent justement les actes racistes dirigés contre des groupes plus fragiles et moins organisés… »

Vous pouvez accéder au reste de cet article sur ce même blog, en cherchant dans les articles publiés en mars 2009.

MF Kantéka

samedi 6 juin 2020

DARNELLA FRAZIER, L'HÉROÏNE À L'ORIGINE DES MANIFESTATIONS CONTRE LE RACISME



C'est l'opportunité qui rend un être bienheureux. Au lieu de vanter une réussite, il faut d'abord louer l'opportunité qui a rendu cette réussite possible. On s'entend pour dire que les remous, qui ont découlé de la mort de George Floyd, sont en passe de changer la face du monde. Mais, on ne doit pas oublier qu'on n'en serait pas là, n'eût été l'heureuse initiative d'une adolescente afro-américaine de 17 ans, douée d'une étonnante perspicacité et d'un exceptionnel talent de cameraman (camerawoman). Elle s'appelle Darnella Frazier et est peut-être une parente proche ou éloignée du célèbre boxeur Joe Frazier. Elle se trouvait là, à l'endroit idéal et au moment opportun quand la main de la mort s'abattait sur la nuque de son congénère George, via le genou du policier négrophobe. Et Darnella, inspirée par des voix d'outre-tombe, a su faire sien l'adage selon lequel une image vaut mille mots. N'ayant pu intervenir, à cause d'un policier qui s'interposait, comme on le voit bien sur l'image, elle s'est contentée d'ouvrir sa caméra pour que le monde entier soit témoin d'un de ses innombrables cas de massacre silencieux auquel est confrontée la communauté afro-américaine.

Et cet acte, accompli avec un grand professionnalisme, a fait du meurtre de George l'élément déclencheur d'une rage qui dépasse celle de la communauté noire proprement dite. C'est la rage de tous les frustrés du système capitaliste raciste et négateur. Un système assassin et mensonger, à tous points de vue. Un système qui se sert des médias traditionnels pour étouffer les voix dissidentes. Un système responsable de la pollution du monde et des multiples nouvelles maladies qui nous empêchent de respirer l'air pur. Un système sur lequel je ne saurais m'étendre, au risque de dévier de mon propos qui est Darnella.

Darnella, un prénom qui est à jamais gravé dans mon coeur, comme étant le symbole de la jeunesse bien-pensante qui ne se sert pas des médias sociaux pour faire de l'ego-trip. Mais pour changer la face du monde, en faisant preuve d'audace et d'abnégation. Des personnes mesquines se sont attaquées à elle, sous prétexte qu'elle a posé ce geste pour avoir de la notoriété ou pour lui reprocher de n'être pas intervenue, au lieu de filmer. Si elle était intervenue, on n'aurait pas eu un mort, mais deux morts. Et dans l'impunité la plus totale! Car personne n'aurait été au courant de ces meurtres négrophobes. Et tous ceux qui font la fine bouche n'auraient pas profité du raz de marée de protestations qui se déversent sur le monde en ce moment. En ignorant l'état de détresse psychologique dans lequel se trouve en ce moment Darnella.

Je demande donc à tous ceux qui font oeuvre de charité auprès de la famille de George Floyd de ne pas oublier Darnella. Prêtez-lui main forte en la faisant suivre par un psychothérapeute. Car on ne sort pas indemne de la vision qui a été la sienne, en assistant au meurtre sauvage de son congénère. Surtout quand on n'a que 17 ans. Je vous parle en connaissance de cause, pour avoir été le témoin indirect (même pas direct comme Darnella) des suicides de deux de mes amis (une Blanche et un Noir). Et je ne sais pas encore comment m'en remettre. Et seule ma mission m'empêche de faire comme eux.

MF Kantéka

PS: Si vous devez ériger un monument à la mémoire de George Floyd, n'oubliez pas de l'accompagner de celui de Darnella Frazier, comme étant son ange-gardienne.