On a coutume de dire que les gens de Bamako ne
se sentent pas souvent concernés par la guerre interminable qui a cours dans la
plupart des autres localités du Mali : celle manigancée par les forces
étrangères pour casser le pays. La vérité est que Bamako mène sa propre guerre
qui est d’une toute autre nature: celle de la résilience face aux défis urbains
et la cherté de la vie.
LA GUERRE CONTRE L’ENFER ROUTIER
Comme la majorité des capitales du monde, Bamako
est une ville saturée qui vit à cent à l’heure, avec ses voitures aux
émanations toxiques et cancérigènes dont bon nombre devraient être purement et
simplement retirées de la circulation. Et l’absence de routes praticables
ajoute à cet ergastule qui dégoûte de la vie.
À certains endroits de la capitale, comme la
route entre les 1008 logements (ATTBOUGOU) et Banankabougou, on a l’impression
de vivre un cauchemar de science fiction, tant la dégradation a dépassé le
seuil du tolérable. Il n’y a pas de mots à même de décrire cette situation
intenable. Et des milliers de véhicules circulent à longueur de journée et de
nuit sur cette route chaotique, en faisant des acrobaties monstres pour éviter
des accidents. Conduire sur cette route s’apparente aux douze travaux
d’Hercule.
À d’autres endroits, telles la route qui longe
l’ORTM et va de Bozola à Niaréla et celles qui traversent le grand marché de
Bamako, entre autres, c’est l’étroitesse des voies et l’absence de trottoirs
pour les piétons qui pose problème. Au delà de la corruption qui entache les
marchés de construction de route où il est fréquent qu’on ampute les budgets,
c’est l’échec du plan d’urbanisation qui est mis en exergue. Car, il aurait
fallu casser des immeubles et faire reloger des familles, pour faire de
l’espace aménageable. Mais, jusqu’à présent, aucun gouvernement n’a osé casser
des œufs pour faire l’omelette. Et, face au défi démographique, avec une
population urbaine qui a quintuplé ou plus, en l’espace de quelques décennies,
l’enfer routier a pris une proportion de guerre quotidienne. C’est une cause
importante de mortalité directe (accidents routiers) et indirecte (maladies
dues au stress et aux émanations toxiques).
Face à ce constat, est-il osé de dire que Bamako
ne mérite pas d’avoir le statut de capitale du troisième millénaire? Bamako peut-elle même être qualifiée de
brousse ? La vie en brousse n’est-elle pas de loin préférable à la vie
bamakoise ? Et que dire de ces mégalomanes qui s’échinent à acheter des
grosses voitures, à coups de dizaines de millions, pour montrer leur « réussite
sociale ». Acheter des voitures pour les conduire sur quelles routes ?
Pour les conduire dans les airs ?
UNE INFLATION DÉSHUMANISANTE
À cette réalité déroutante vient s’ajouter la
dureté de la vie, due à une inflation galopante et incontrôlable qui atteint
parfois les 300% pour certains produits de première nécessité, malgré les
annonces rassurantes faites par le gouvernement en place. On avait cru que la
montée hallucinante des prix des denrées allait s’arrêter avec la fin de
l’embargo décrété contre le pays, à l’initiative de la France ayant fait
pression sur la CÉDÉAO. Mais, on a très vite déchanté, car plus de quatre mois
après la levée des sanctions, l’inflation continue à maintenir les populations
dans la plus grande détresse.
Et pendant ce temps, les langues commencent à se
délier contre les membres du CNT (Conseil National de Transition) pour les
salaires mirobolants et les privilèges indécents qu’ils s’octroient.
Visiblement, eux n’en ont rien à faire de la dureté de la vie. Ils promettaient
pourtant qu’ils étaient venus pour l’édification du Mali Koura ou le Nouveau
Mali dans lequel les injustices et les inégalités sociales seront balayées du
revers de la main. Et ils sévissent contre ceux qui les accablent, en les
mettant en porte-à-faux avec la population, avec des manœuvres répréhensibles,
comme la mise en ondes de leurs conversations téléphoniques privées.
Si c’est cela le Mali Koura, bonjour les regrets
et le désenchantement ! Je
reviendrai certainement là-dessus les jours à venir…
MF Kantéka