La PERVERSION du droit d’aînesse au Mali est surtout IMPUTABLE à la FAMILLE et à la SOCIÉTÉ entière, du fait de l’avènement d’une nouvelle forme de dictature reposant sur le PROFIT INDIVIDUEL.
La société traditionnelle malienne, dans son ensemble, est représentée comme une structure communautariste ou collectiviste dans laquelle le groupe l’emporte sur l’individu : « L’individu n’est rien, la communauté est tout ! » L’individu étant un INSTRUMENT au service de la famille et de la communauté, son travail se faisant au profit du groupe familial et/ou social. Un travail qu’il n’est pas censé choisir, le choix étant fait à l’avance pour lui par le groupe selon ses besoins. Ceci s’est traduit un moment par une CONCEPTION HÉRÉDITAIRE DU TRAVAIL ayant façonné la psychologie et l’imaginaire de la société.
Les colonisations successives du pays ont bouleversé ce mode de gestion du patrimoine commun. La TRANSFORMATION DE LA SOCIÉTÉ est aujourd’hui accentuée par la vague de mondialisation de la culture occidentale. Les RAPPORTS DE FORCE au sein de la famille en ont été CHAMBOULÉS au point de réduire l’AUTORITÉ PARENTALE à une peau de chagrin. La famille cherche à se repositionner et à y trouver son compte. Si bien qu’on est confronté à des SITUATIONS PARADOXALES où les notions de respect, de droit d’aînesse, de solidarité et de fraternité revêtent des FORMES DÉROUTANTES et relèvent pratiquement du domaine de l’illusoire.
LE DROIT D’AÎNESSE CONFRONTÉ AU POUVOIR DE L’ARGENT
La LONGUE AGONIE de la société traditionnelle malienne remonte à des FAITS HISTORIQUES SUCCESSIFS dont le dernier en date est l’institution de l’ECOLE COLONIALE offrant dorénavant à l’individu la possibilité d’exercer le métier de son choix, selon son aptitude et /ou son ambition personnelle. Le but étant avant tout l’ÉPANOUISSEMENT INDIVIDUEL. Cependant, la famille a tôt fait de reprendre à son compte cette nouvelle perspective de liberté individuelle, s’essayant tant bien que mal à tirer les ficelles, transformant du coup cette autonomie individuelle en moyen de subsistance familiale.
Cette RÉCUPÉRATION FAMILIALE consiste à contraindre l’individu scolarisé à embrasser des MÉTIERS PLUS LUCRATIFS, peu importe qu’ils relèvent ou pas de sa vocation ou de son idéal. Une réalité pouvant expliquer la CORRUPTION dans les services publics. L’individu n’est pas à son service, ni au service de l’État qui l’emploie, mais au service de sa famille qui l’a pris carrément en OTAGE.
Cette forme de dictature est à l’origine de bien de DÉRIVES, pouvant donner lieu chacune à un développement conséquent : les différentes formes de prostitution, la mendicité, l’esclavage des enfants, etc. C’est à ce niveau qu’on pourrait éventuellement parler de « NOUVELLE FORME DE DICTATURE FAMILIALE », parce que cette forme de dictature, bien souvent, met en ÉCHEC la sacro-sainte DICTATURE GÉRONTOCRATIQUE.
Le CADET qui rapporte plus d’argent à la maison ne devient pas seulement l’aîné de son frère aîné, il se SUBSTITUE carrément au PÈRE DE LA FAMILLE. C’est un sujet qui ne manque pas d’illustrations. Cette forme de dictature consacre définitivement la MORT DE L’UTOPIE TRADITIONALISTE…
La CONTRADICTION dans laquelle baignent actuellement de nombreuses familles maliennes est une source certaine de MALAISE. Imprégné de cette inquiétante réalité, le FILS AÎNÉ de la famille veille farouchement à ne pas se laisser supplanter par son cadet, HANTÉ qu’il est par le DÉSIR, souvent MORBIDE, d’être le PÈRE DE SES FRÈRES. Parce que, malgré le chamboulement de la structure sociale, le MYTHE DE L’ÂGE subsiste dans les consciences. Une question fortement liée à l’ORGUEIL. Et aussi parce qu’il existe encore des ÎLOTS DE TRADITION voulant que l’aîné poursuive les ACTIVITÉS DU PÈRE. Les autres enfants ayant la latitude d’exercer d’autres métiers.
Cette SOLUTION DE COMPROMIS a des conséquences souvent dramatiques pour le groupe familial, puisque le FILS AÎNÉ sait que son droit d’aînesse doit dorénavant reposer sur le CONTRÔLE EXCLUSIF des SOURCES DE REVENUS DE LA FAMILLE. C’est à ce prix qu’il aura droit au « RESPECT ». Et il remuera ciel et terre pour ce « respect » dû à son privilège d’aîné.
SPOLIATION ET MEURTRE SYMBOLIQUE DU PÈRE
Le compromis qui installe le FILS AÎNÉ dans le même travail que son père se fait souvent sous la contrainte du patriarche qui veut se décharger de ses obligations, et aussi le préparer à prendre la relève, dans le but évident de préserver un HÉRITAGE FAMILIAL : champs, fonds de commerce, immeubles, entreprise, etc. C’est aussi pour qu’il aide ses frères et sœurs à démarrer dans la vie. Pour que ces derniers ne soient pas à la merci des impondérables de l’existence et, au besoin, les associer à la gestion de ce patrimoine familial laborieusement constitué. C’est un moyen efficace de PRÉVENIR LE CHÔMAGE, puisque malgré la latitude qu’elle offre, l’école coloniale ne donne pas de garantie quant au travail. Et ce ne sont pas tous les enfants qui réussissent à cette nouvelle école.
Ce MANDAT dont le fils aîné est investi est donc très clair, au départ. Il n’est point le propriétaire de ce patrimoine familial qu’il est chargé de gérer. Pourtant, les choses vont se compliquer par la suite, parce que l’aîné va très vite oublier sa qualité de SIMPLE GESTIONNAIRE et ambitionner sur le bien commun qu’il veut transmettre à sa propre progéniture. Et il n’attendra pas souvent la mort du père pour s’adonner à cet acte de SPOLIATION.
Prenant les devants, il se livrera au MEURTRE SYMBOLIQUE DU PÈRE, profitant de son absence temporaire (pour cause de voyage d’affaires ou autres), de son inattention ou d’une gêne quelconque, pour effacer les traces de sa propriété.
S’y prenant en plusieurs étapes, il commencera par utiliser les multiples relations du père pour avoir de NOUVEAUX PAPIERS qu’il établira à son nom propre. SANS CHANGER D’ACTIVITÉ. Et si l’activité en question relève du SOCIAL, c’est une aubaine pour lui. Il demandera des SUBVENTIONS SUBSTANTIELLES au gouvernement et aux services de coopération internationale, au nom de l’entreprise, qu’il utilisera essentiellement pour ses PLAISIRS, la constitution d’un PATRIMOINE PROPRE et ses dépenses de PRESTIGE. Parce que l’une de ses ASTUCES est de se construire une IMAGE SOCIALE et MÉDIATIQUE, dans le but évident d’ÉCLIPSER le PÈRE et de passer aux yeux du public pour le propriétaire légitime du patrimoine familial.
Il devient très vite une VÉRITABLE LÉGENDE VIVANTE, encensé partout. Passant à l’étape suivante, il va méticuleusement organiser de SUBTILES CAMPAGNES DE DÉNIGREMENT contre son père, l’accusant en privé d’être un irresponsable, à cause de ses absences répétées que lui-même a pourtant encouragées. Et à la faveur desquelles il s’est installé définitivement aux commandes des affaires familiales.
Quand le père, une fois alerté, essaie de réagir, il recourt au CHANTAGE : « JE VAIS ME SUICIDER ! » Rentrant dans de violents accès de colère, suivis de gestes fracassants! À l’occasion, il MANIPULE sa propre MÈRE et la dresse contre son père…
Ce PÈRE DÉFAILLANT, dépassé par la tournure des événements et bloqué par la MAUVAISE CONSCIENCE, se fait alors tout petit, par PEUR DU SCANDALE dans cette société où tout le monde veut donner une bonne image de sa famille. Il ne veut surtout pas étaler sa propre DÉROUTE sur la place publique. C’est ainsi qu’il CESSE D’ÊTRE LE PÈRE, endurant le mépris de sa propre famille sur laquelle il n’a plus d’emprise, son fils aîné l’ayant symboliquement supprimé. Il n’a plus que ses yeux pour pleurer, en silence, ce MONSTRUEUX PETIT PRINCE qu’il a lui-même construit, initié et installé aux commandes.
Ainsi commence le NAUFRAGE de la famille décapitée, livrée à un FOU FURIEUX …
À suivre
Mountaga Fané Kantéka
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