vendredi 7 septembre 2018
Droit de réponse: L'hypocrisie et l'imposture de Cheick Hamidou Kane, l'ambigu auteur de " L' Aventure ambigüe"
« Quand le patriarche s'éloigne du droit chemin, il perd son droit au respect », pourrais-je être tenté d'inventer, comme étant un « proverbe africain», comme le font bien de gens. Il est même possible qu'il existe un proverbe de la sorte. Mais, en l'occurrence je n'ai besoin d'évoquer quoi que ce soit pour mettre Cheick Hamidou Kane à sa place. Non seulement, la « sinankouya » (parenté cathartique ou cousinage à plaisanterie), qui existe entre nous, me le permet, mais aussi il est plus que temps de le rappeler à l'ordre. Car il dépasse les bornes. En se prenant pour ce qu'il n'est pas.
Il est question de l'interview qu'il a accordée récemment au journal " Le Monde Afrique" (https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/08/31/cheikh-hamidou-kane-l-afrique-n-existe-plus-elle-a-ete-depossedee-de-son-espace_5348682_3212.html) dans lequel il propose « pas un retour au passé, mais un recours au passé» pour remettre l'Afrique dépossédée sur les rails. Et pour cela, il parle de s'inspirer de la Charte du Mandé qui, à ses dires, a été élaborée en 1236. Et il parle aussi de son projet de « retracer l’épopée de l’empire du Mali fondé par Soundjata Keïta » et « rappeler cette page d’histoire à la jeunesse africaine et au monde.» Comment peut-il donc parler à la fois d'épopée et de «page d'histoire»? Est-il sûr que ces deux concepts, épopée et histoire, sont synonymes? Mais, passons là-dessus pour l'instant.
Et, dans ce « noble dessein », l'illustre patriarche Cheick Hamidou Kane aurait, de son propre aveu, « réuni autour du projet des artistes comme Youssou Ndour, des intellectuels, des écrivains, des griots traditionnels ressortissants de l’espace de l’ancien empire du Mali. Dans le but de « faire un film d’animation avec des effets spéciaux pour illustrer l’univers mystique de l’empereur Soundjata Keïta. » Et, pour couronner cette noble imposture, il va jusqu'à vouloir attribuer à son « Soundjata» des « pouvoirs magiques comme le don d’ubiquité » qui sont pourtant des attributs de Soumahoro selon la tradition. Et, pour cela, il veut s'inspirer notamment de Black Panther. Ça sent déjà le plagiat à plein nez! Tout comme son congénère et coreligionnaire Djibril Tamsir Niane a vraisemblablement puisé du côté de JR Tolkien pour étoffer son récit (qui, de l'avis de Youssouf Tata Cissée, est « une version sommaire mais très lyrique et romancée de la tradition de Djoliba-Koto»). Je pense à sa description de la mythique « bataille de Krina », un fait qui demande encore à être prouvé, car le grand griot de Krina, Wâ Kamissoko, est formel là-dessus: « Depuis que le monde a été créé, aucune guerre, hormis celle de Samory Touré, n'est tombée sur le Manden.» Et, dans une autre version, on parle de « bataille de Dakadjala» qui n'a pas mobilisé toutes les troupes qu'on rencontre dans le récit de Djibril Tamsir, comme dans les récits de JR Tolkien ("Le Seigneur des anneaux")…
Hypocrisie et imposture
Il est nécessaire de faire quelques petits rappels pour comprendre la vraie motivation du patriarche Cheick Hamidou Kane. Je commencerai d'abord par manifester mon étonnement face à son discours sur ce qu'il appelle le « recours au passé» pour pallier les problèmes actuels de l'Afrique. Je ne peux m'empêcher d'y voir un double langage. Car, dans sa fameuse "Aventure ambigüe", sur laquelle il fonde son autorité aujourd'hui encore, il écrivait justement que les Blancs ont vaincu les Africains, du fait que ces colons blancs avaient du « vécu ». Oui, il a bel et bien écrit cela. Et cela fait plus de trente ans que j'ai lu et relu cet ouvrage, et je ne m'en remets pas encore. Et c'est pourtant ce même Cheick Hamidou Kane qui prône aujourd'hui le « recours » à ce passé sans vécu de l'Afrique. Parce qu'écrire, comme il l'a fait, que le colon doit sa victoire à son vécu, c'est dire que les colonisés n'avaient pas de vécu. Faut-il croire que Cheick Hamidou Kane n'avait pas encore lu ou consulté les historiens Joseph Ki-Zerbo et Cheikh Anta Diop dont il affirme, dans cette même interview, qu'il était très proche? Parce que s'il l'avait fait, il aurait su dès cette époque que l'Afrique a plus de vécu que les colonisateurs. Je n'en dirai pas plus sur ce chapitre.
Quant à son intrusion dans l'histoire mandingue, je dois rappeler un fait qui est en soi révélateur de la mentalité désinvolte de ce patriarche. En effet, lors de mon passage au Mali, fin 2009-2010, j'ai été très étonné d'entendre le même Cheick Hamidou Kane, venu comme par enchantement dans mon pays en même temps que moi (après la publication de mon livre qui détruit le mythe de Son-Djata ou Lion-Voleur), sur les ondes de la radio malienne, en train de s'ériger en grand défenseur de l'épopée mandingue, version Djibril Tamsir Niane, qui, il faut le signaler, est un Al pulaar et un musulman comme lui. De sa voix la plus autoritaire, il est allé jusqu'à faire un aveu de taille sur l'imposture qui entoure ce qu'ils appellent « La Charte du Manden ». Devant Dieu et les hommes, il a avoué qu'ils sont allés chercher des griots (une quarantaine, si mes souvenirs sont bons) pour qu'ils disent, chacun, ce qu'ils savent de cette « charte». Et qu'aucun des griots ne connaissait l'intégralité de cette « charte». Et que, par conséquent, ils ont mis bout à bout des fragments de témoignages embryonnaires, en ont fait un fatras qu'ils ont confié à un magistrat guinéen du nom de Siriman Kouyaté (si mes souvenirs sont bons) pour qu'il en fasse une rédaction à la manière française, en y apportant des ajouts. Avez-vous jamais entendu pareille imposture? Et, il a affirmé tout ça, comme si c'était un agissement des plus corrects. Des plus inoffensifs. Des plus réglementaires, dans le meilleur des mondes. Ciel! Comme si, lui, qui ne pige pas un seul mot du banmanankan ni du manikakan (langues de conservation de cette histoire) pouvait, du fait de sa notoriété, venir nous en imposer. Au nom d'une loi dont lui seul sait les fondements.
Je veux bien qu'il y ait une « Charte du Mandé», mais encore faut-il qu'il repose sur des matériaux historiques. Surtout si l'on sait aujourd'hui, sans l'ombre d'un doute, que les rois du Mandé étaient des gens parfaitement lettrés, comme en témoignent les archives de Tombouctou et de Djenné, entre autres. Entre nous, je dois concéder qu'il doit bien y avoir quelque part une charte mandingue. Mais, elle n'a rien à voir avec le règne auquel ils veulent l'associer, comme je l'ai aisément démontré dans mon ouvrage, en démolissant la thèse de Youssouf Tata Cissé qui situe cette « Charte» à la date de 1222, en l'attribuant à « Son-Djata» qui n'était qu'un pauvre exilé à cette date, selon la tradition. Sans aucun soupçon de pouvoir!
Une idéologie machiavélique, parasite, esclavagiste et raciste
Pour dire les choses comme il se doit, l'attitude de Cheick Hamidou Kane entre dans le cadre de cette volonté de conserver des privilèges claniques qui leur échoient en vertu des légendes farfelues, ajoutés à leur affiliation à la religion musulmane. Ce mythe de Sondjata (Lion-voleur), comme je l'ai démontré dans mon ouvrage, est un montage destiné à favoriser certaines couches sociales au détriment d'autres, leur assurant des positions sociales et politiques de choix. Et, paradoxalement, ce sont des descendants d'esclaves affranchis qui se prévalent de ce mythe aujourd'hui. Des esclaves affranchis devenus des esclavagistes à leur tour. Parce que derrière le mythe de Son-Djata (Lion-Voleur), il y a plusieurs règnes dont ceux des esclaves affranchis, parmi lesquels Sakoura ou Sankoura Tarawélé. Et ce sont eux qui se revendiquent aujourd'hui « nobles», en transposant ce concept français au mot « horon» qui n'a rien à avoir avec. J'ai été d'ailleurs agréablement surpris, en constatant qu'un lecteur de l'interview de Cheick Hamidou kane, du nom de Yetto, a fait ce commentaire aussi humoristique que caustique: « "Je ne préconise pas un retour au passé, mais un recours au passé." Belle façon de jouer avec les mots et d'embellir une Histoire qui a eu pourtant pour les Africains les aspects les plus atroces et les plus dégradants. La soumission à l'islam doublée d'un trafic d'esclaves noirs à grande échelle en direction des pays arabes déjà islamisés puis des pays occidentaux demandeurs pour les Amériques. Oui mais l'auteur est philosophe et fils de chef religieux il a SON MESSAGE à faire passer …!!!» On ne peut en dire mieux! Comme quoi, le bon sens est encore bien partagé en Afrique.
Quant à l'histoire mandingue, c'est le titre "Soumahoro Kantè" qui est le véritable titre d'empereur du Mali, comme je le démontre avec force détails irréfutables dans les suites que j'ai consacrées à ce sujet. Et, il y a eu plusieurs "Soumahoro Kantè" dans l'histoire mandingue. Je n'ai pas encore fini de les dénombrer en quinze ans de recherche. Mais, j'en ai déjà localisé pas loin d'une dizaine.
Pour faire court, pourquoi Cheick Hamidou Kane, au lieu de s'accrocher au mythe, n'essaie pas plutôt de retracer l'histoire mandingue qui se cache dans ce mythe? S'il est honnête et désintéressé, il sait pourtant que son congénère et coreligionnaire Djibril Tamsir Niane, a lui-même reconnu, dans l'avant-propos de son récit, que ce n'est pas l'histoire à proprement parler. Tout comme Youssouf Tata Cissé, avec le récit de Wâ kamissoko, comme vous pouvez le constater en consultant mon article sur le sujet (http://kanteka.blogspot.com/2007/12/la-vrit-sur-lhistoire-mandingue-les.html).
Sinon, pourquoi Cheick Hamidou Kane, au lieu de se rabattre sur le vécu manding, ne chercherait-il pas des références dans sa propre culture peule? Il y a bien eu des royaumes et des empires peuls, non? Pourquoi ne va-t-il pas chercher du côté de l'Empire peul du Macina par exemple? Je connais un Toucouleur, le professeur Oumar Dioume, qui, lui a su trouver des références dans sa culture dans son livre intitulé "Lumières noires de l'humanité".
L'arrogance de certains intellectuels africains m'horripile au plus haut point. Sous prétexte qu'ils ont fait un livre sanctifié par la France (et pour cause), ils veulent se mêler de tout, comme s'ils se prenaient pour Dieu. Quand on a manqué à son devoir historique, pour une quelconque raison, pourquoi vouloir entraver ceux qui s'attellent au leur? Surtout quand on est au crépuscule de sa vie?
Mais, j'avertis Cheick Hamidou Kane. Il nous trouvera sur son chemin. Lui et tous ceux qui sont impliqués dans cette mascarade. Qu'ils sachent que nous en avons assez de ce mythe de Son-Djata et que nous voulons connaître notre histoire. Et j'ai été très étonné de constater qu'au Mali, des griots me félicitent d'avoir fait la lumière sur cette histoire. Il y a eu même des Kèta parmi ceux qui étaient enchantés de m'avoir lu ou écouté. Un policier Kèta, qu'on surnomme Mandé Massa, est allé jusqu'à confisquer mon livre pour le donner à sa fille, afin qu'elle s'en inspire. Dès mon arrivée à Bamako, un journaliste de la place est venu prendre deux livres avec moi dont l'un était destiné à l'ancien président de la République, le Général Moussa Traoré qui, à ses dires, attendait vivement ce livre. Même l'actuel président du Mali, IBK, a ce livre en sa possession. Dès, 2004, lors de son passage en catimini à Montréal, il m'avait dit de lui en réserver un. « Et dédicacé!», avait-il demandé, me suppliant de venir lui serrer la main avant de quitter la salle où il faisait sa campagne clandestine contre ATT.
Cheick Hamidou Kane, si vous êtes un vrai Peul, vous savez que, quel que soit votre âge, vous ne pouvez être qu'un fils pour moi. En ma qualité de Noummou! Prenez-le donc de cette façon! Sinon, je suis prêt pour la guerre. La guerre pour la réhabilitation de l'histoire mandingue. La mémoire de mes Ancêtres!
Mountaga Fané Kantéka