La crainte que nourrissaient beaucoup de Maliens est devenue réalité avec les choix du Président et du Premier ministre de la transition politique. Le premier, Bah N'Daw, militaire à la retraite, est un septuagénaire qui a servi notamment sous le régime militaire de Moussa Traoré et celui d'IBK (Ibrahim Boubacar Keita). Malgré son intégrité affirmée, il n'en demeure pas moins un serviteur des régimes décriés et combattus avec rigueur. Le second, Moctar Ouane, âgé de 65 ans, est lui aussi un ancien ministre d'ATT (Amadou Toumani Touré). Perçu comme un pion de la France, certains se sont empressés de l'accuser — à tort?— de traîner derrière lui une casserole de près de 65 milliards de francs CFA. Ceci pour dire que ces choix sont discutables et jurent avec la volonté de changement affichée par les contestataires de l'ancien régime. Pourtant, il y avait bien des Maliens, à l'intérieur comme à l'extérieur, qui pouvaient être choisis pour remplir ces fonctions. Et parmi eux, il y a des jeunes qui n'ont trempé dans aucun de ces régimes honnis. Ajoutons à ces désagréments, la présence du jeune et ambitieux militaire Assimi Goïta (aspirant au messianisme) qui s'incruste, en s'octroyant le poste de vice-président de la transition, comme pour revendiquer la paternité du mouvement populaire qui a conduit au départ du Président IBK. Confirmant la confiscation que nous avons évoquée dans notre dernier article ("LA RÉCUPÉRATION DE LA LUTTE POPULAIRE PAR LES MILITAIRES"). Du coup, l'euphorie révolutionnaire a viré au cauchemar. Le rêve éphémère d'un « Mali nouveau » semble s'être envolé! Le branle-bas d'une nouvelle révolte est déjà en marche du côté du MDP (Mouvement Démocratique et Populaire), dirigé par le jeune Adama Ben Diarra alias Ben Le cerveau, ayant pris ses distances par rapport au M5-RFP qui est sur le point de voler en éclats (si ce n'est déjà fait). On y crie à la « trahison ». Une « trahison » imputable tant aux militaires du CNSP (Comité National pour le Salut Public) qu'au guide Mahmoud Dicko, voué aux gémonies, qualifié de « traître ». Des partisans de l'ancien Président IBK y vont aussi de leurs critiques et de leurs exigences. On se dirige droit vers de nouvelles alliances visant à combattre l'imposture des nouveaux maîtres du pays.
LA RÉPÉTITION DU MÊME SCÉNARIO
La fâcheuse situation, à laquelle on assiste aujourd'hui, n'est que la réplique de ce qui s'est passé huit ans auparavant, suite au coup d'État perpétré contre ATT par la troupe du capitaine Amadou Haya Sanogo. Et cela nous avait inspiré un édito dans "Le Filon", en date du 7 janvier 2013 ("LE CERCLE VICIEUX DU POUVOIR") dans lequel nous disions: « Acclamés et affichant au départ des idéaux rénovateurs, nos jeunes putschistes du 22 mars 2012 ont été vite rattrapés par la funeste réalité de la politique malienne qui, depuis 1960, n'est qu'une suite de reconductions des mêmes personnes au pouvoir! Cela se confirme avec la nomination du septuagénaire Django Sissoko au poste de Premier ministre, succédant à Cheick Modibo Diarra — lui-même gendre de l'ex-Président Moussa Traoré sous lequel Django Sissoko a aussi servi. « Si certains approuvent ce choix, au nom de l'expérience et de la continuité, d'autres le voient comme une poursuite des politiques antérieures tant décriées, ayant justement servi de justification au putsch. du 22 mars. " À quoi bon chasser ATT si c'est pour reconduire l'homme qui lui servait de cheville ouvrière?", s'interrogent-ils. Pourquoi en effet parler de continuité quand on s'inscrit dans la logique de la rupture? Ce paradoxe est inhérent à la sociologie politique d'un Mali enferré dans un fixisme nourri par des légendes moyenâgeuses, hostile au progrès, réfractaire à tout vent nouveau. C'est le drame d'une société réactionnaire, mystifiée par une Tradition ancrée, ayant une curieuse lecture de l'histoire. Le pouvoir politique a du mal à s'évader de ce cercle vicieux. Dans ce contexte de tribalisme politique, le coup d'État se réduit à un simple moyen d'accéder au cercle restreint des privilégiés. Et non un mode de transformation des moeurs politiques. Les grandes déclarations sont vite contredites dans la pratique, semant encore plus de désarroi au sein de ceux qui aspirent à une société plus ouverte et plus égalitaire... »
LA QUESTION DE LA RELÈVE
Dans cet article, nous n'avons pas manqué d'aborder la question de la relève politique. À savoir « l'incapacité de la jeune génération à se démarquer de ses devanciers et à revendiquer et obtenir son droit à la reconnaissance.» Et nous indexions l'absence de formation idéologique, l'incapacité « de s'affranchir et de transcender le chimérique discours passéiste », de remettre en cause les jalons préétablis, de se passer du parrainage des caciques du milieu politique, de se mettre à l'abri des démons de l'arrivisme, le manque de vision et de projet collectif, le goût du lucre et du luxe, le culte de la personnalité, la paresse intellectuelle, la fausseté et la division. Toutes ces tares qui font que les vieux continuent à faire la pluie et le beau temps, avec la complicité de leurs jeunes protégés. Donnant au Mali l'image du chien qui se mord la queue. Cependant, nous avons pu observer, tout le long de la lutte du M5-RFP, des jeunes prometteurs comme maître Demba Traoré, Clément Dembélé, Nouhoum Sarr, Adama Ben Diarra et bien d'autres qui, à défaut du poste de Président, auraient mérité celui de Premier ministre de la transition. Mais, pour cela, il aurait fallu qu'ils ne se laissent pas abuser par toutes ces histoires d'expériences politiques, de carnet d'adresses et de CV. Car, l'histoire nous l'apprend, des révolutionnaires comme Thomas Sankara ou Jerry Rawlings ne sont pas venus au pouvoir avec des expériences politiques, des carnets d'adresses ou des CV kilométriques et ronflants. Ils y sont venus avec leur amour du pays, leur loyauté et l'esprit de sacrifice.
LA MAIN DE LA FRANCE ET SES FRANCS-MAÇONS MALIENS
Pour finir avec cette succincte analyse, nous attirons l'attention sur des mouvements de revendications visant au retrait des soldats français du Mali, ayant eu lieu le 22 septembre à La Place de l'indépendance. Et aussi les allusions aux francs-maçons tout le long de la lutte pour le changement. C'est l'occasion pour nous de mettre en garde la France et ses serviteurs de la franc-maçonnerie locale qu'on soupçonne d'oeuvrer en coulisses pour bloquer les efforts de libération nationale. Le Mali est à la croisée des chemins, comme l'a constaté Nicolas Normand, l'ancien ambassadeur de France (au Mali). Il y a un décalage, pour ne pas dire un fossé infranchissable, entre la servilité des Maliens (francs-maçons) qui servent la France et et la hardiesse de ceux qui veulent en finir avec cette servitude déshumanisante. Le temps n'est plus aux tentatives consistant à étouffer les voix (notamment la nôtre) qui s'élevaient contre les pratiques rétrogrades. Maintenant, les populations sont averties sur les moeurs des gens des sectes. Qu'ils prennent garde à ne pas trop tirer sur la corde et de ne pas déclencher une chasse aux francs-maçons au Mali et dans toute l'Afrique. Les gens sont fatigués de leurs pratiques surannées. Alors francs-maçons, en toute cordialité, soyez attentifs à ce message: « Faites profil bas et laissez le Mali suivre le cours de son évolution historique!».
MF Kantéka.