lundi 14 septembre 2020

MALI: LA RÉCUPÉRATION DE LA LUTTE POPULAIRE PAR LES MILITAIRES

 

Un mois, moins six jours, après le départ du président malien IBK (Ibrahim Boubacar Keita), les tractations au niveau des concertations pour la future transition politique nous confortent dans l'analyse que nous avions faite de ce coup de théâtre ("DÉPART DU PRÉSIDENT MALIEN IBK: COUP D'ÉTAT OU MISE EN SCÈNE?"). En effet, tout semble indiquer que les jeunes militaires du CNSP (Comité National pour le Salut du Peuple), manipulés par des mains supérieures, n'ont fait irruption sur la scène politique que pour décanter la situation et, d'une pierre deux coups, court-circuiter les politiciens de la vieille garde qui ont dirigé la grogne populaire du M5-RFP. 

Outre les accrochages du début des concertations et les incitations des populations à réclamer un leadership militaire (ayant conduit notamment à la création d'un autre mouvement, M4, constitué en partie des partisans du président sortant IBK), nous sommes aujourd'hui devant le fait accompli, avec le refus du M5-RFP d'accepter les conclusions des concertations, au motif qu'elles ne reflètent pas la volonté du peuple malien. Dans un communiqué en date du 12 septembre, on dénonce la non-conformité du rapport final aux délibérations des groupes de travaux sur plusieurs points ainsi que des « intimidations [et] pratiques antidémocratiques et déloyales dignes d'une autre époque » qui ont justement servi d'arguments pour déboulonner le président démissionnaire IBK. D'où le constat de « la volonté d'accaparement et de confiscation du pouvoir au profit du CNSP ». 

Autrement dit, nous risquons de nous retrouver à la case de départ, à la seule différence qu'IBK et son problématique fils, Karim Keita, ont réussi à tirer leur épingle du jeu, en se mettant à l'abri, hors du pays. Et en laissant les affaires aux militaires qui leur doivent leurs promotions aux grades de colonel et de général, sans jamais avoir eu à commander, si l'on se réfère aux commentaires d'un membre influent du M5-RFP, NouhoumTogo, qui ne s'est pas gêné pour étaler, au micro de Kati 24, les carences des jeunes militaires, naguère acclamés comme des héros-libérateurs. En insistant au passage sur les tares des militaires, en général. Comme pour rappeler que la corruption n'est pas seulement une affaire de civils… Le pire dans tout cet embrouillamini est que nous n'avons jamais encore entendu, de part et d'autre, des propositions visant à sortir le Mali de ce schéma de gouvernance calqué sur celui de la France. Et nous n'avons eu aucun écho à l'appel que nous avons lancé au lendemain du « coup d'État ». Notre appel à une "RÉFLEXION SUR UN AUTRE MODÈLE DE GOUVERNANCE" au Mali. Nous nous demandons parfois à quoi sert-il de nourrir de nobles ambitions pour ce pays… 

 

MF Kantéka