Le Filon no 07 du 06 janvier 2013
Edito : Le cercle vicieux du pouvoir
Neuf petits mois ont suffi pour nous ôter définitivement nos illusions sur la possibilité d’un changement politique au Mali. Nous
apprenons à nos dépens qu’il est révolu le temps où l’on pouvait espérer sur des
Thomas Sankara et Jerry Rawlings dans une Afrique plus
que jamais esclave de diktats
étrangers. Et sevrée de la maturité
politique de certains pays d’Amérique
du Sud, notamment au Venezuela
d’Hugo Chavez ou en Bolivie d’Evo
Moralès, le Brésil de Lula Da Silva et Dilma Roussef qui ont montré l’exemple
en installant au pouvoir des dirigeants incarnant le changement.
Acclamés
et affichant au départ des idéaux rénovateurs, nos jeunes putschistes ont été vite rattrapés par la funeste
réalité de la politique malienne qui, depuis
1960, n’est qu’une suite
ininterrompue de reconductions des mêmes au pouvoir!
Cela
se confirme par la nomination du septuagénaire
Django Sissoko au poste de Premier
ministre, succédant à Cheick Modibo
Diarra, lui-même gendre de l’ex- Président
Moussa Traoré sous lequel Django Sissoko
a servi aussi.
Si
certains approuvent ce choix au nom de l’expérience, d’autres le voient comme
une reconduction des politiques antérieures tant décriées ayant notamment servi de
justifications au putsch du 22 mars 2012.
« A quoi bon chasser ATT si c’est
pour reconduire l’homme qui lui servait de cheville ouvrière? »,
s’interrogent-ils.
Pourquoi
en effet parler de continuité quand
on s’inscrit dans une logique de rupture?
Ce
paradoxe est inhérent à la sociologie politique d’un Mali enferré
dans un fixisme nourri par des légendes moyenâgeuses hostiles au
progrès, réfractaire à tout vent nouveau. C’est le drame d’une société réactionnaire, mystifiée par
une Tradition ancrée ayant une curieuse lecture de l’Histoire. Le pouvoir
politique a du mal à s’évader de ce cercle
vicieux.
Dans
ce contexte de tribalisme politique,
le coup d’Etat se réduit à un simple
moyen d’accéder au cercle restreint des
privilégiés. Et non un mode de transformation des mœurs politiques. Les
grandes déclarations seront vite contredites dans la pratique, semant encore
plus de désarroi au sein de ceux qui
aspirent à une société plus ouverte et plus égalitaire.
Cela pose aussi l’épineux problème de la relève au Mali. La reconduction des
mêmes au pouvoir ne trahit-elle pas l’incapacité de la jeune génération à se
démarquer de ses devanciers et à revendiquer
et obtenir son droit à la
reconnaissance? La jeunesse malienne offre-t-elle des indices allant dans le
sens d’une inversion du cours des choses? De par sa formation idéologique, est-elle capable de s’affranchir des mythes
surannés et transcender le chimérique discours
passéiste? Est-elle prête à remettre en cause les jalons préétablis? Sait-elle se passer du parrainage des caciques qui régentent la vie politique du pays
depuis l’indépendance? Est-elle à l’abri de ces démons que sont l’arrivisme, le manque de vision et de projet
collectif, le goût du lucre et du luxe, le culte de la personnalité, la paresse
intellectuelle, la fausseté et
la division?
Malheureusement, non! Et tant qu’il en sera ainsi, les
vieux continueront à faire la pluie et le beau temps dans ce pays, avec la
complicité de leurs jeunes protégés! Le Mali continuera à ressembler au chien cherchant à mordre sa queue!
Mountaga Fané Kantéka