lundi 5 août 2013

Mali: Le cercle vicieux du pouvoir




Le Filon no 07 du 06 janvier 2013

Edito : Le cercle vicieux du pouvoir

Neuf petits mois ont suffi pour nous ôter définitivement nos illusions sur la possibilité d’un changement politique au Mali. Nous apprenons à nos dépens qu’il est révolu le temps où l’on pouvait espérer sur des Thomas Sankara et Jerry Rawlings dans une Afrique plus que jamais esclave de diktats étrangers. Et sevrée de la maturité politique de certains pays d’Amérique du Sud, notamment au Venezuela d’Hugo Chavez ou en Bolivie d’Evo Moralès, le Brésil de Lula Da Silva et Dilma Roussef qui ont montré l’exemple en installant au pouvoir des dirigeants incarnant le changement.

Acclamés et affichant au départ des idéaux rénovateurs, nos jeunes putschistes ont été vite rattrapés par la funeste réalité de la politique malienne qui, depuis 1960, n’est qu’une suite ininterrompue de reconductions des mêmes au pouvoir!

Cela se confirme par la nomination du septuagénaire Django Sissoko au poste de Premier ministre, succédant à Cheick Modibo Diarra,  lui-même gendre de l’ex- Président Moussa Traoré sous lequel Django Sissoko a servi aussi.
Si certains approuvent ce choix au nom de l’expérience, d’autres le voient comme une reconduction des politiques antérieures tant décriées ayant notamment servi de justifications au putsch du 22 mars 2012. « A quoi bon chasser ATT si c’est pour reconduire l’homme qui lui servait de cheville ouvrière? », s’interrogent-ils.
Pourquoi en effet parler de continuité quand on s’inscrit dans une logique de rupture?

Ce paradoxe est inhérent à la sociologie politique d’un Mali enferré dans un fixisme nourri par des légendes moyenâgeuses hostiles au progrès, réfractaire à tout vent nouveau. C’est le drame d’une société réactionnaire, mystifiée par une Tradition ancrée ayant une curieuse lecture de l’Histoire. Le pouvoir politique a du mal à s’évader de ce cercle vicieux.

Dans ce contexte de tribalisme politique, le coup d’Etat se réduit à un simple moyen d’accéder au cercle restreint des privilégiés. Et non un mode de transformation des mœurs politiques. Les grandes déclarations seront vite contredites dans la pratique, semant encore plus de désarroi au sein de ceux qui aspirent à une société plus ouverte et plus égalitaire.

Cela pose aussi l’épineux problème de la relève au Mali. La reconduction des mêmes au pouvoir ne trahit-elle pas l’incapacité de la jeune génération à se démarquer de ses devanciers et à revendiquer et obtenir son droit à la reconnaissance? La jeunesse malienne offre-t-elle des indices allant dans le sens d’une inversion du cours des choses? De par sa formation idéologique, est-elle capable de s’affranchir des mythes surannés et transcender le chimérique discours passéiste? Est-elle prête à remettre en cause les jalons préétablis? Sait-elle se passer du parrainage des caciques qui régentent la vie politique du pays depuis l’indépendance? Est-elle à l’abri de ces démons que sont l’arrivisme, le manque de vision et de projet collectif, le goût du lucre et du luxe, le culte de la personnalité, la paresse intellectuelle, la fausseté et la division?
Malheureusement, non! Et tant qu’il en sera ainsi, les vieux continueront à faire la pluie et le beau temps dans ce pays, avec la complicité de leurs jeunes protégés! Le Mali continuera à ressembler au chien cherchant à mordre sa queue!

Mountaga Fané Kantéka