Edito du Filon 06 du 06
Décembre 2012
L’anarchique urbanisation de Bamako a défiguré la ville au
lieu de l’embellir. S’il est impossible de revenir totalement en arrière,
l’urgence recommande cependant de casser
toutes les constructions sauvages
érigées au bord du fleuve, au mépris
des normes de bornage. De Kalaban à Faso Kanou, la rive droite du fleuve Niger est emprisonnée dans une jungle
de béton, obstruant toute vue sur le fleuve et bloquant tout passage. Pour
aller d’un coin à l’autre, le piéton est obligé de faire de longs et intempestifs détours, le forçant à emprunter les routes enfumées et sans trottoir, risquant à tout moment de se faire écraser par un automobiliste
ou un motocycliste.
Les espaces devant servir de
passage-piéton ont été illégalement accaparés par des riches
avec la complicité des véreux agents administratifs. Ils ont construit
jusqu’à dans le lit du fleuve, comme s’ils voulaient freiner les crues ou précipiter l’assèchement
du cours d’eau. Certains ont été punis
pour leur aveuglément, leurs constructions – réalisées à coups de centaines de millions de francs CFA–, étant inhabitables,
car inondées pendant l’hivernage.
C’est un désastre
environnemental à l’aune de l’arrogance
et la criminalité des nouveaux riches du Mali. Leur égoïsme puant et leur monstrueuse avidité transparaissent à
chaque détour qu’on est contraint de faire pour se frayer un chemin vers la
brise fluviale. Ils ne respectent pas même les petits espaces devant exister
entre deux bâtiments. Le propriétaire de Badala
Hôtel – un certain Thiam – est un exemple du genre. Non content d’avoir un grand espace au bord du
fleuve dont il tire d’énormes profits, il a aussi récupéré la petite aire qui sépare son hôtel du fleuve, poussant l’égocentrisme jusqu’à supprimer le petit coin aménagé qui
servait de lieu de villégiature pour
les amoureux du fleuve. Ce monsieur pestait chaque fois qu’il voyait quelqu’un
assis-là pour contempler le fleuve. Pour lui
et ses semblables – destructeurs de
l’environnement –, la loi de l’argent prime
sur toute autre valeur. Le droit de se
promener, le droit de respirer
l’air pur et le droit de se relaxer au
bord du fleuve étant l’apanage des parvenus
ou des touristes blancs qui leur
servent de clients.
Jouissant d’une inacceptable impunité dans un Etat
déliquescent, ils ne mesurent pas toute
l’ampleur de leur crime contre l’environnement et la société. Les petits jardiniers qui occupent les quelques
rares espaces provisoirement épargnés, affirment avec stoïcisme : « Il ne leur reste plus qu’à venir construire
au milieu du fleuve! » Ils
le feront à coup sûr si l’on continue à les laisser faire. Ils iront jusqu’à
réclamer des droits de passage aux pêcheurs
dont ils ont pris l’espace et obligé à s’entasser comme des abeilles dans une
ruche.
Qui leur a accordé le permis
de construire ? C’est une question au cœur de notre investigation.
Beaucoup de noms circulent en la matière… En attendant de faire le tour de la
question, nous invitons les nouvelles
autorités à envisager la destruction
pure et simple de ces échafaudages
intempestifs. Si elles ne le font pas, ce sont les populations étouffées qui
le feront dans des conditions tragiques.
Ce problème est une source de remous
social, dans un contexte de démographie
galopante où l’on n’a pas prévu d’espaces
de loisirs pour une jeunesse en proie au chômage endémique.
Mountaga Fané Kantéka
NB: Le compte à rebours a commencé par l'action en justice enclenchée par les notables de Badalabougou contre une construction de Malivision, faite dans le lit du fleuve.