6 mai 2014
L’organisation
française prétend défendre uniquement la liberté de la presse. En réalité,
derrière cette noble façade, se cache un agenda politique bien précis...
1. Fondée en 1985 par Robert Ménard, Jean-Claude
Guillebaud et Rony Brauman, Reporters sans frontières a pour
mission officielle de « défendre la liberté de la presse dans le monde,
c’est-à-dire le droit d’informer et d’être informé, conformément à l’Article 19
de la Déclaration universelle des droits de l’homme ».
2. Néanmoins, en dépit de cette profession de foi
officielle, RSF dispose d’un côté obscur et d’un agenda politique bien précis,
souvent lié à celui de Washington, et s’en prend notamment aux gouvernements de
gauche en Amérique latine, tout en préservant les pays développés.
3. Ainsi, RSF a été financée par le gouvernement
des Etats-Unis par le biais de la National Endowment for Democracy.
L’organisation ne s’en cache d’ailleurs pas : « Absolument, nous
recevons de l’argent de la NED. Et cela ne nous pose aucun problème ».
4. La Fondation nationale pour la démocratie
(NED) a été créée par l’ancien président étasunien Ronald Reagan en 1983, à une
époque où la violence militaire avait pris le pas sur la diplomatie
traditionnelle dans l’approche des affaires internationales. Grâce à sa
puissante capacité de pénétration financière, la NED a pour objectif
d’affaiblir les gouvernements qui s’opposeraient à la politique étrangère de
Washington.
5. Selon le New York Times, [article de
mars 1997], la NED « a été créée il y a 15 ans pour réaliser publiquement
ce que la Central Intelligence Agency (CIA) a fait subrepticement durant
des décennies. Elle dépense 30 millions de dollars par an pour appuyer des
partis politiques, des syndicats, des mouvements dissidents et des médias d’information
dans des dizaines de pays ».
6. En septembre 1991, Allen Weinstein, père de la
législation qui a donné naissance à la NED, a tenu les propos suivants au Washington
Post : « Beaucoup de ce que nous faisons aujourd’hui a été fait
par la CIA il y a 25 ans de manière clandestine ».
7. Carl Gershman, premier président de la NED, a
expliqué la raison d’être de la Fondation en juin 1986 : « Il serait
terrible pour les groupes démocratiques du monde entier d’être vus comme
subventionnés par la CIA. Nous avons vu cela dans les années 1960, et c’est
pour cela qu’on y a mis un terme. C’est parce que nous n’avons pas pu continuer
à le faire que la fondation [la NED] a été créée ».
8. Ainsi, selon le New York Times, Allen
Weinstein et Carl Gershman, RSF est financée par une officine écran de la CIA.
9. RSF a également reçu un financement du Center
for a Free Cuba. Le directeur de l’organisme de l’époque, Franck Calzón, a
été par le passé l’un des présidents de la Fondation nationale
cubano-américaine (FNCA). Cette dernière est lourdement impliquée dans le
terrorisme contre Cuba, comme l’a révélé l’un de ses anciens directeurs José
Antonio Llama.
10. RSF a reçu des fonds de la Overbrook
Fondation, entité fondée par Frank Altschul, promoteur de Radio Free
Europe, station de la CIA pendant la guerre froide, et proche collaborateur de
William J. Donovan, chef des services secrets étasuniens dans les années 50 et
fondateur de l’Office of Strategic Services, ancêtre de la Central
Intelligence Agency.
11. Par le passé, RSF s’est évertuée à passer
sous silence les exactions commises par l’armée des Etats-Unis contre les
journalistes. Ainsi, RSF ne s’est souvenu que tardivement – cinq ans plus tard
– du cas de Sami Al-Haj, journaliste de la chaîne de télévision qatarie
Al-Jazeera, arrêté et torturé en Afghanistan par les autorités étasuniennes et
ensuite transféré à Guantanamo. Al-Haj a finalement été libéré le 1er
mai 2008, après plus de six ans de calvaire. Il a donc fallu une enquête de
cinq ans à RSF pour découvrir que Sami Al-Haj avait été arrêté, séquestré et
torturé uniquement en raison de sa qualité de journaliste.
12. Dans un rapport du 15 janvier 2004, RSF a
exonéré de toute implication les militaires étasuniens responsables de
l’assassinat du journaliste espagnol José Couso et de son collègue ukrainien
Taras Protsyuk dans l’hôtel Palestine à Bagdad. Selon la famille Couso,
« les conclusions de ce rapport exonèrent les auteurs matériels et
reconnus du tir sur l’Hôtel Palestine en se basant sur la douteuse impartialité
des personnes impliquées, et sur le propre témoignage des auteurs et
responsables du tir, rejetant cette responsabilité sur des personnes non
identifiées. La réalisation du rapport a été signée par un journaliste,
Jean-Paul Mari, qui entretient des relations notoires avec le colonel Philip de
Camp, militaire qui a reconnu son implication dans l’attaque et la mort des
journalistes de l’Hôtel Palestine, et de plus, son rapport s’appuie sur les témoignages
de trois journalistes très proches des forces nord-américaines, tous
étasuniens, dont l’un d’eux – Chris Tomlinson – a été membre des services de
renseignements de l’armée des Etats-Unis durant plus de sept ans. Aucun des
journalistes espagnols qui se trouvaient dans l’Hôtel n’a été consulté pour
l’élaboration de ce document ». Le 16 janvier 2007, le juge madrilène
Santiago Pedraz a émis un mandat d’arrêt international à l’encontre du sergent
Shawn Gibson, du capitaine Philip Wolford et du lieutenant-colonel Philip de
Camp, responsables des assassinats de Couso et Protsyuk et absous par RSF.
13. RSF a fait l’apologie de l’invasion de l’Irak
en 2003 en affirmant que « le renversement de la dictature de Saddam
Hussein a mis un terme à trente années de propagande officielle et ouvert une
ère de liberté nouvelle, pleine d’espoirs et d’incertitudes, pour les
journalistes irakiens. Pour les médias irakiens, des dizaines d’années de
privation totale de liberté de la presse ont pris fin avec le bombardement du
ministère de l’Information, le 9 avril à Bagdad ».
14. Le 16 août 2007, lors de l’émission de radio
« Contre-expertise », Robert Ménard, alors secrétaire général de RSF,
a légitimé l’utilisation de la torture.
15. RSF a soutenu le coup d’Etat contre le
Président haïtien Jean-Bertrand Aristide organisé par la France et les
Etats-Unis en titrant : « La liberté de presse retrouvée : un
espoir à entretenir ».
16. Lors du coup d’Etat contre Hugo Chávez en
avril 2002 organisé par Washington, RSF a publié un article le 12 avril 2002
reprenant sans aucune réserve la version des putschistes et a essayé de
convaincre l’opinion publique internationale que Chávez avait
démissionné : « Reclus dans le palais présidentiel, Hugo Chávez a
signé sa démission dans la nuit, sous la pression de l’armée. Il a ensuite été
conduit au fort de Tiuna, la principale base militaire de Caracas, où il est
détenu. Immédiatement après, Pedro Carmona, le président de Fedecámaras, a
annoncé qu’il dirigerait un nouveau gouvernement de transition. Il a affirmé
que son nom faisait l’objet d’un "consensus" de la société civile
vénézuélienne et du commandement des forces armées ».
17. RSF a toujours refusé de s’occuper du cas de
Mumia Abu-Jamal, le journaliste noir qui croupit dans les geôles étasuniennes
depuis trente ans pour avoir dénoncé dans ses reportages la violence policière
à l’égard des minorités.
18. RSF mène régulièrement des campagnes contre
Cuba, pays pourtant où aucun journaliste n’a été assassiné depuis 1959.
L’organisation est en étroite collaboration avec Washington à ce sujet. Ainsi,
dès 1996, RSF a rencontré à Paris Stuart Eizenstat, ambassadeur spécial de
l’administration Clinton pour les affaires cubaines.
19. Le 16 janvier 2004, RSF s’est réunie avec les
représentants de l’extrême droite cubaine de Floride pour mettre en place une
stratégie de lutte médiatique contre le gouvernement cubain.
20. RSF a lancé plusieurs campagnes médiatiques
en diffusant des messages publicitaires dans la presse écrite, à la radio et à
la télévision, destinés à dissuader les touristes de se rendre à Cuba. C’est ce
que préconise le premier rapport de la Commission d’Assistance à une Cuba libre
publié par le Président Bush en mai 2004 et qui accroit les sanctions contre
Cuba. Ce rapport cite d’ailleurs RSF en exemple à la page 20.
21. RSF affirme ouvertement que seuls les pays
sous-développés l’intéressent : « Nous avons décidé de dénoncer les
atteintes à la liberté de la presse en Bosnie et au Gabon et les ambiguïtés des
médias algériens ou tunisiens… mais de ne pas nous occuper des dérives
françaises ». Pourquoi ? « Parce que, ce faisant, nous risquons
de mécontenter certains journalistes, de nous mettre à dos les grands patrons
de presse et de braquer le pouvoir économique. Or, pour nous médiatiser, nous
avons besoin de la complicité des journalistes, du soutien de patrons de presse
et de l’argent du pouvoir économique ».
22. Jean-Claude Guillebaud, cofondateur de RSF et
premier président de l’association, a quitté l’organisation en 1993. Il en
expliqué les raisons : « Je pensais qu’une organisation de ce type ne
pouvait être légitime que si elle incluait un travail de critique du
fonctionnement des médias en occident. Que ce soient les dérives du travail
journalistique (bidonnages etc.) ou un travail de réflexion poussé sur
l’évolution de ce métier, ses pratiques et les atteintes aux libertés possibles
dans les démocraties. Sinon, nous serions passés pour des néocolonialistes, des
donneurs de leçons arrogants : quand on interpelle les leaders des pays du
tiers-monde sur les atteintes aux libertés de la presse chez eux, la question
qui se pose automatiquement à nous, est de savoir quel usage nous faisons de
notre liberté. Même si les enjeux ne sont pas les mêmes, cette question est
essentielle et je pensais qu’il fallait y consacrer 50% de notre temps et de
notre énergie […]. Au fur et à mesure que l’association se développait, les
opérations devenaient de plus en plus spectaculaires. Se sont posées deux
questions : n’y avait-il pas une contradiction à dénoncer certaines
dérives du système médiatique et d’utiliser les mêmes procédés dans nos
démarches d’interpellation ? De son côté, Robert Ménard pensait qu’il
fallait mettre en sourdine toute l’activité de critique des médias pour bénéficier
du soutien des grands journaux et des grandes chaînes de télé […]. Je les ai
trouvés beaucoup trop proches de la presse anti-Chávez au Venezuela. Il aurait
sans doute fallu être plus prudent. Je trouve qu’on les entend très peu sur les
Etats-Unis. »
23. Le quotidien français Libération,
pourtant fidèle soutien de l’organisation, note que RSF reste silencieuse sur
les dérives des médias occidentaux : « Désormais, la liberté de la
presse sera exotique ou ne sera pas ». Beaucoup « lui reprochent son
acharnement contre Cuba et le Venezuela et sa mansuétude envers les Etats-Unis.
Ce qui n’est pas faux ».
24. RSF n’a
jamais caché ses relations avec le monde du pouvoir : « Un jour, nous avons eu un problème d’argent. J’ai appelé l’industriel
François Pinault pour qu’il nous apporte son aide. […] Il a répondu aussitôt à ma demande. Et c’est cela seul qui compte »
car « la loi de la gravitation existe, chers amis. Et la loi de l’argent
aussi ».
25. Ainsi,
loin des revendications d’impartialité et de défense de la liberté de la
presse, RSF dispose effectivement d’un agenda politique et s’en prend
régulièrement aux pays de la Nouvelle Amérique latine.
Docteur ès Etudes Ibériques
et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est
Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste
des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
Son nouvel ouvrage
s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité, Paris,
Editions Estrella, 2013 et comporte une préface d’Eduardo Galeano.
http://www.amazon.fr/Cuba-m%C3%A9di...;;ie=UTF8&qid=1376731937&sr=1-1
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Source : operamundi