Voici un autre article qui ne va pas arranger mes affaires avec mes frères nègres. Cet article est la reprise d'un autre article que j'avais rédigé et qui a mystérieusement disparu dans mon ordinateur. Comme si les esprits, qui m'inspirent, m'envoyaient le signal de tempérer mes propos, à l'endroit d'une communauté très frileuse face à certaines vérités.
Pourtant, vu l'actualité effervescente relative à la lutte d'émancipation des Noirs dans le monde entier, le besoin s'est fait encore pressant pour moi de remettre cette question cruciale sur le tapis. Quitte à modérer, voire à émasculer, mes propos. À défaut de pouvoir recourir au dérivatif de l'humour pour édulcorer l'amertume d'une terrible réalité qui s'inscrit comme la seule véritable « malédiction » qui entache l'histoire de l'homme noir: la rivalité chronique. La rivalité fratricide! La désunion sacrée! Une terrible réalité qui remonte jusqu'à la mythologie égyptienne avec le combat entre Osiris et Seth. Une irréfragable rivalité qui est le contrecoup de l'extraordinaire puissance noire sans laquelle le monde n'existerait tout simplement pas. Une implacable rivalité sans laquelle les Noirs continueraient encore à être les maîtres du monde. Une incurable rivalité qui est la source de l'affaiblissement de l'Afrique par l'esclavage d'hier et celui d'aujourd'hui. Une déplorable rivalité, plus forte que les fusils et les canons des colons, qui est la véritable raison pour laquelle les Européens ont pu s'imposer en Afrique. Les archives sont encore là pour l'attester. Plus que les archives, la réalité quotidienne est là pour l'attester. Ai-je seulement besoin d'en rajouter, en évoquant tous ces assassinats politiques contemporains dont les bras n'étaient autres que nègres?
J'ai perçu récemment dans un certain milieu activiste africain la tentative visant à amoindrir le mouvement "Black lives matter" (les vies noires comptent), en essayant de l'opposer au "Black power" (le pouvoir noir) qu'ils associent au retour en Afrique. Derrière cet argument, en apparence motivé par le radicalisme, on perçoit une question d'ego. D'intérêts personnels. On y perçoit la réaction épidermique de leaders plus ou moins charismatiques qui aspirent au messianisme et éprouvent la crainte de se voir supplanter par un mouvement qui prend de l'ampleur dans le monde entier. Un mouvement bien plus grand qu'eux et leurs mesquines supputations. Sinon "Black lives matter" et "Black power" s'inscrivent dans le même combat. Ce sont deux étapes du même combat. Le mouvement "Black lives matter" s'inscrit dans l'immédiateté de la lutte pour la survie dans des sociétés impitoyables, régies par le racisme systémique et le massacre systématique des Noirs. Il ne s'aurait donc s'interpréter comme une forme de mendicité auprès des Blancs, visant à récolter des miettes de pain, mais plutôt comme une exigence consistant à leur dire: « Ça suffit! Vos vies ne comptent pas plus que les nôtres! Faites-nous de l'air, sinon on va tout saccager et tout brûler.» Ça s'inscrit donc dans la volonté d'infléchir le rapport de forces, afin d'aboutir à l'équilibre sans lequel la vie en commun serait impossible. C'est une question de vie ou de mort. C'est tout sauf une question théorique.
Quant au mouvement "Black power", il s'inscrit dans le moyen et le long terme pour aboutir à la jonction entre l'Afrique et sa diaspora dans un climat harmonieux. Et ce n'est pas une mince affaire. Parce qu'en dehors de la rhétorique et des professions de foi, il faut travailler très fort pour que l'amalgame prenne entre les frères séparés par la tragédie esclavagiste et les rancoeurs inextinguibles. L'Afrique n'arrive même pas à accepter encore tous ses enfants nés sur son sol, comme en témoignent les exodes massifs qui défraient la chronique, avec tous ces bateaux de migrants africains lancés sur les mers houleuses, au péril de leur vie, pour se diriger vers un esclavage consentant dans les « eldorado» de l'Occident. Sans compter l'exode non médiatisé des cadres et des cerveaux du continent noir vers ce même Occident, parce qu'ils n'arrivent pas à vivre décemment dans des sociétés africaines gangrénées par la corruption et le clientélisme. Sans compter encore le précédent posé par la guerre civile au Libéria, entre les transplantés afro-américains et les autochtones. Et les mentalités esclavagistes qui persistent chez certains Africains, obsédés par un vigoureux désir d'anoblissement au détriment de leurs propres congénères. Un réflexe motivé soit par l'obsession de maintenir une réalité féodale, soit par le traumatisme historique enduré par leurs ancêtres esclavagisés sur le sol africain.
Bref, beaucoup d'éléments à prendre en compte. Des sujets brûlants qu'évitent soigneusement tous ces activistes nègres qui pullulent sur la toile, jouant aux rock-stars. En se livrant au folklore.
La vérité est que la plupart de ces activistes « panafricanistes » pèchent par leur manque de sincérité et de loyauté. Leur activisme en question n'est lui-même qu'un avatar de cette rivalité fratricide évoquée précédemment. Car leur combat n'est pas le fruit d'une conviction profonde, mais le résultat d'une tentative de récupérer les réflexions d'autres congénères, en tentant de les occulter. C'est devenu un phénomène de mode et tout un fonds de commerce de s'approprier ce combat qui génère autant la notoriété que l'argent. Oui, il y est beaucoup question d'argent. Avec toutes ces histoires de financements occultes. C'est pourquoi certains de ces supposés panafricanistes sont prêts à tout pour rester sous les lumières et le plus près des micros pour débiter leurs slogans racoleurs. C'est devenu leur raison de vivre. Certains ne se font pas prier pour profaner les travaux de ceux qui ont consacré leur vie à creuser dans les mines d'or et les fosses septiques de l'histoire africaine, afin d'en sortir avec des pistes de solution pour une renaissance envisageable. Aussi, il n'est pas surprenant d'entendre dans la bouche de certains de ces leaders «panafricanistes» des propos piqués dans l'ouvrage d'un congénère, en les faisant passer pour «un proverbe africain», plutôt que de citer l'auteur de la réflexion. Pourquoi cela? Tout simplement parce ça leur brûle les lèvres de citer l'auteur de la réflexion, voyant en lui un rival qui risque de leur porter ombrage. S'ils sont aussi « panafricanistes» qu'ils le prétendent, qu'est-ce que ça leur coûte de citer un autre panafricaniste qui est leur source d'inspiration? Ils citent des grands noms de la littérature africaine, sans citer la source intermédiaire qui leur a permis d'accéder à ces oeuvres qu'ils n'ont peut-être jamais lues en entier ou ne les ont pas lues tout court. Cela s'appelle du plagiat. Plus qu'un « assassinat moral » (comme c'est le cas avec la diffamation, d'un point de vue criminologique, selon A. Bonnefoy), c'est un acte de sorcellerie, consistant à se revêtir de la peau de sa victime, en lui dérobant sa parole (qui est un attribut magique). Pire que cela, c'est du cannibalisme. Ils se construisent une identité avec les travaux de leurs congénères, qu'ils veulent voir morts, en se faisant passer pour des initiateurs qu'ils sont loin d'être.
D'autres vont jusqu'à se fabriquer des CV imaginaires pour s'attribuer une sorte d'autorité. Il y a même des maisons d'édition africaines qui participent à cette foire d'empoigne, en constituant un réseau de contrefaçons littéraires, consistant à dérober les travaux de chercheurs africains pour les donner à leurs protégés. Plein d'histoires là-dessus à faire vomir. Le désir de grandeur et la propension au messianisme sont si puissants chez certains Africains qu'ils sont prêts à faire couler des rivières de sang pour satisfaire ces pulsions mégalomaniaques. Au lieu de se sacrifier sur la croix, pour le salut de tous, comme l'aurait fait Jésus selon la littérature chrétienne.
Il y a aussi ceux qui préparent le terrain à de futures guerres de religions, en se faisant les champions de l'animisme ancestral africain qu'ils veulent opposer aux religions abrahamiques. Tout cela encore sur la base du plagiat d'oeuvres qui ont amorcé la question mais ne l'ont pas encore épuisée. Parce qu'ils sont trop pressés de se faire une réputation et de l'argent, ils se jettent sur les travaux des chercheurs pour s'en approprier. Sans en attendre les suites. Et dans cette frénésie, les caricatures sont les bienvenues. Ils ont tôt fait de ramener l'Arabe sous les traits du leucoderme musulman, opposé au Nègre animiste. Sans se douter que l'Arabe est à l'origine un Nègre, que l'Arabie fait partie intégrante de l'Afrique, que des Ancêtres dont ils se réclament (sans les connaitre) sont des Arabes. Qu'Allah lui-même est à l'origine un nom d'idole (animiste) datant du temps de la jahiliya.
S'ils avaient lu Cheikh Anta Diop, comme ils le prétendent, ils auraient su au moins que l'islam est dérivé du sabéisme dont la négrité ne fait pas de doute. Et si leur culture historique était aussi solide qu'ils le prétendent, ils sauraient aussi que le point de départ du christianisme est cette même Égypte dont ils se réclament. Tout comme le judaïsme. Dois-je ajouter qu'Israël est lui aussi une terre africaine?
Pour en venir à l'animisme ancestral, et pour m'en limiter au cas préoccupant de mes compatriotes maliens, qui leur a dit que le nom d'Allah ne figure pas dans les confréries initiatiques du Mali? Que savent-ils de l'origine du kòmò? Que savent-ils de l'identité du roi manding qui a ramené avec lui le concept de la Mecque? Que savent-ils de l'origine de Krina kònò ou l'oiseau sacré de Krina. J'ai déjà fait mon mea-culpa à ce propos en guise d'avertissement (voir mon article "Les nouveaux prophètes nègres face au piège du plagiat":https://www.facebook.com/MFKantekaPublicPage/posts/2279415808943727?__tn__=K-R). Mais, semble-t-il, ils sont réfractaires aux avertissements. Et si jamais ils persistent dans leurs pratiques affabulatoires, ils seront les dindons de leurs propres farces. La quête identitaire s'accommode mal avec le racisme. Je l'ai découvert à mes dépens. Il n'y a rien de pire que l'ignorance savante. L'ignorant qui se croit savant. Ça aussi, je l'ai écrit quelque part...
PS: Je ne crois pas avoir réussi à dire exactement ce que je voulais dire, mais je pense avoir réussi à exorciser en partie la douleur qui me dévore à cause de ces pratiques dégradantes.
MF Kantéka