mercredi 30 mars 2022

LE FOOTBALL MALIEN PRIS EN OTAGE PAR DES FAUCONS

 

 

L’élimination du Mali au match de barrage par la Tunisie n’attristera que les supporters qui ne jugent que par le cœur. L’observateur averti n’y verra que logique. Pas parce que la Tunisie a démontré une supériorité dans le jeu, mais parce qu’elle a fait  ce qu’il fallait faire: ne pas encaisser de but. Et il y a fort à parier que s’il fallait mettre un but pour se qualifier, la Tunisie allait pouvoir le faire. Parce que dans ce pays, on a appris à faire ce qu’il faut pour gagner un match. On sait là-bas ce que veut dire l’efficacité. Là-bas, les affaires sportives sont gérées par des gens du milieu, des connaisseurs. J’ai séjourné dans ce pays et côtoyé ses clubs (Tunis, Bizerte, Beija), l’espace d’un été, en 1994, juste après la coupe d’Afrique. Je sais comment les choses s’y passent. C’est une question d’organisation et de philosophie.

Quand le Mali avait battu ce pays au match d’ouverture de la CAN 1994, selon ma prédiction, on dit que le sélectionneur tunisien Youssef Zouaoui a passé un mois à l’hôpital pour dépression nerveuse. Parce que, pour eux, cette défaite était vue comme un accident de parcours impardonnable. Je l’ai côtoyé quelques mois après dans le Club athlétique bizertin qu’il dirigeait avec son frère Larbi Zouaoui. J’ai pu constater toute l’acrimonie qui l’affectait à mon égard…

 

DES FAUCONS ET DES FÉTICHEURS

 

Près de 30 ans après, je traîne encore les séquelles physiques et psychologiques de mon bref passage à l’équipe nationale du Mali en 1993. J’ai failli y laisser ma peau. Ce sont des choses qui ne peuvent être racontées que dans un livre. Et je les réserve pour mes mémoires…

Le football malien est dominé par des réalités extra-sportives qui font confluer beaucoup de paramètres pouvant anéantir un joueur non averti et non soutenu par des féticheurs du milieu. Et tout cela gravite autour de la Fédération malienne de foot où règne un climat de corruption indescriptible, faisant intervenir des acteurs qui n’ont rien à faire du foot et dans le foot.

Je l’ai compris dès mon arrivée à l’aéroport de Bamako où deux membres de la fédération étaient venus me chercher dans une voiture bringuebalante. Étant avertis que j’étais titulaire d’une maîtrise de droit, obtenue en France, ils s’étaient empressés de me dire : « Mais, tu vas être un jour le ministre des sports du Mali.» Et ils m’avaient dit qu’un autre joueur expatrié  (qui jouait au même poste que moi et que j’avais déjà rencontré à Paris, lors du passage du sélectionneur national) avait insisté pour que je partage la même chambre d’hôtel que lui. Et cela allait me coûter très cher. Il faut le vivre pour le croire… À l’époque, aussi bien les coaches que les joueurs ne cachaient pas leurs pratiques sorcellaires. J’ai été directement visé par mon camarade de chambre (qui a pris de force mon short avec lequel je m’entraînais, histoire de s’attribuer mon aura) et un autre joueur qui m’a interpelé: « C’est toi qui veux prendre ma place ?» Et ce joueur était pourtant un défenseur, alors que j’étais attaquant. Voilà que je suis en train de faire des confidences anticipées…

 

Pour résumer le problème de la Fédération malienne de foot, je dirais que c’est une sorte de maffia, axée sur l’argent qui afflue dans le milieu, avec du trafic des primes de match, entre autres, avec son lot de trafic d’influence pour favoriser un joueur, au détriment d’un autre.

Et cette réalité s’étend à la presse sportive où certains journalistes sont payés pour descendre des joueurs et faire la promotion d’autres. C’est incroyable ! Il n’y a par exemple qu’au Mali qu’un prétendu journaliste sportif, très influent, s’en prend violemment à un avant-centre qui a marqué l’unique but de la rencontre, avec son effort personnel… Un sujet que je réserve à mes mémoires.

 

Je me souviens qu’un an et demi après mes déboires, il y a eu un grand débat télévisé, ’’Le football malien en question’’, dans lequel des journalistes sportifs intègres ont soulevé ces questions et talonné le sélectionneur malien de l’époque, le poussant vers la porte de sortie. J’étais de retour au pays. Et des gens m’avaient appelé pour me dire d’aller témoigner contre le sélectionneur et la Fédération malienne de foot. Mais, j’avais d’autres chats à fouetter…

 

Au moment même où je rédigeais cet article, j’appris qu’une commission de jeunes Maliens militent pour la dissolution de la FEMAFOOT (Fédération malienne de football) pour  remplacer ses membres avec du neuf et non corrompu. S’ils ont la chance de lire cet article, je leur conseille d’aller consulter Moussa Keita dit Dougoutigui, ancien international et entraîneur de club. C’est la meilleure ressource qu’ils pourraient avoir dans ce pays. Il sait tout ce qui se passe dans le football malien et il a pris ses distances avec. Il n’a jamais cessé de croiser le fer avec les faucons de la fédération malienne de foot.

Son témoignage sera de taille devant les instances habilitées pour dissoudre la fédération…

 

MF Kantéka